Manifester oui, mais il faut que le message passe, se répande, soit compris… La communication, autant que la mobilisation, devient un nerf de la guerre syndicale.
La FDSEA du Morbihan a tenu son assemblée générale le 18 mars sur le site du lycée de la Touche à Ploërmel. L’occasion de prendre du recul, de faire le bilan d’une année syndicale extrêmement chargée, de réfléchir au sens de l’engagement et à l’évolution de la manière de se mobiliser et d’agir.
En préambule, Thomas Guégan, président des Jeunes Agriculteurs du Morbihan, a rappelé que « toutes ces actions et manifestations dans la région ont recréé du lien social autour des blocages ou des contrôles de GMS. C’est peut-être ce qui manquait le plus. » À ses côtés à la tribune, Christiane Lambert, 1re vice-présidente de la FNSEA, a rebondi : « Vous les Bretons, vous êtes regardés, enviés quant à votre capacité de réactivité et de mobilisation… » Avant de pointer un élément important qui a changé la donne quant à la capacité à se rassembler : « L’essor des chaînes d’information en continu nous aide désormais énormément à nous mobiliser. Si je vois à la télévision que les autres sont en pleine action, cela motive à les rejoindre sans tarder. On a aussi vu de nombreux agriculteurs expliquer sincèrement leur situation. »
Pas de casse, mais de l’originalité
Mais les deux syndicalistes ont aussi insisté sur la nécessité de varier les plaisirs. Pour Thomas Guégan, « Si on n’a pas d’action forte à mener, il faut savoir être original. Sinon, il n’y a pas de retour média, pas de diffusion de notre message. On parlait de l’adhésion des Français à notre cause… Mais attention, si on insiste trop longtemps sur des actions dures, on peut perdre ce soutien. Il faut au contraire adapter les actions à la période pour toujours conserver le consommateur avec nous. »
Et Christiane Lambert de compléter : « Nous vivons aujourd’hui dans une société de l’image. Il faut savoir créer des effets visuels pour accompagner nos annonces et éviter toute casse de vitrines, toute dégradation quand nous sommes en action. Par exemple, de vieux journaux épandus à la pailleuse comme dans certains départements bretons. Ou encore dans le Meuse, du produit vaisselle qui mousse une fois répandu au pulvérisateur sur l’idée de « On nous enfume, nous on vous émousse… » Souvent, les journalistes veulent savoir où ça va casser. Nous devons leur dire où ce sera original et où nous serons nombreux… »
L’engagement syndical est une alternance de jubilation et de frustration.Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA
Dans la salle, certains se demandaient s’il fallait encore aller dans la rue. Frédéric Duval, délégué général du Medef Bretagne, qui a précisé d’abord représenter « surtout des TPE et PME, finalement assez comparables aux exploitations agricoles » a rappelé que l’un des premiers devoirs du syndicaliste est « de travailler et de maîtriser ses dossiers, d’affûter ses arguments et d’être capables de les défendre » en toutes circonstances. Mais il a aussi insisté sur la nécessaire « intensité » mise dans les actions. « Le droit de manifester est quasiment une liberté constitutionnelle. La rue ? Souvent les pouvoirs publics ont besoin de ça pour justifier leur renoncement. » Et Franck Guéhennec, président de la FDSEA, de confirmer : « Les responsables ne sont rien sans l’engagement de tout le réseau. Il y a le temps du syndicalisme de discussion, de négociation… mais il y a aussi le temps du syndicalisme de rue. Ils sont aussi nécessaires que complémentaires. »
Quant à Marie-Andrée Luherne, secrétaire générale de la FDSEA, elle a tenu à insiter, avant de clore le débat, sur « l’importance d’avoir les bonnes personnes au bon endroit. Les dossiers, nous les portons tout au long de l’année. Et les choses sont toujours plus faciles dans les communes où des agriculteurs siègent au Conseil municipal : c’est une forme de lobbying perpétuel. Et à une autre échelle, il est important que nous cotisions, nous, pour pouvoir envoyer des représentants de nos départements au National : à la FNSEA, à la FNPL, à la FNP… »
Sur les réseaux sociaux
Thomas Guégan : « Certains départements sont très bons en communication sur les réseaux sociaux. C’est aussi un outil de promotion, d’attractivité pour soigner l’image de la profession. »
Marie-Andrée Luherne : « En juin 2015, je suis allée très réticente à une formation Réseaux sociaux avec l’idée que c’était pour étaler ce qu’on pense. Je suis rentrée emballée : on a le droit de dire ce qu’on pense, de parler du métier dont on est fier… Dire des choses en 140 signes sur Twitter, c’est court, rapide, instantané. Et cela devient presque un réflexe. J’ai twitté du port de Vannes lors del’action des femmes dernièrement : beaucoup de gens ont suivi… »
Christiane Lambert : « Twitter, c’est gazouiller, bavarder… Un lieu supplémentaire d’expression où il faut aller avec des messages positifs. Une stratégie de contournement nécessaire : les anti-viandes sur les réseaux sociaux jouent sur l’affect pour que les jeunes se détournent de la viande. Une émission Cash investigation se prépare sur le cochon et la charcuterie. À nous de préparer des messages positifs pour contredire cette charge négative.