L’amiante, « un ami » qui hante les toitures

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Certains matériaux largement usités pour la construction de bâtiments posent aujourd’hui problème de par la complexité de recyclage qu’ils nécessitent. C’est le cas de l’amiante.

« Pour le démantèlement de mes poulaillers, les devis se sont montés à 500 000 € ». Derrière ce montant exorbitant, l’amère expérience de Michel Raffray, agriculteur à Pluduno (22). Son outil de travail, 7 bâtiments représentant une surface totale de 5 500 m2, le producteur pense le valoriser pour sa retraite. Repris à ses parents lors de son installation, l’aviculteur a utilisé ces poulaillers pour des lots de poulette, de poules pondeuses puis de dindes. La spécification en fin de carrière en production de poulette démarrée reflète une carrière bien remplie. Un an avant son départ à la retraite, le producteur se met à la recherche de repreneurs éventuels.

2 contacts sont noués, mais tombent malheureusement à l’eau faute d’accord bancaire favorable, « et même avec un prix de vente faible ». Un troisième repreneur se manifeste alors, un grossiste en volaille qui cherchait des bâtiments relais. Michel Raffray voit alors ses espoirs s’envoler. « Sur un des poulaillers, la toiture fuyait, et l’acheteur potentiel a abandonné son projet au vu du coût de déconstruction ». En cause, des plaques de fibro-ciment contenant de l’amiante, et qui demandent un traitement particulier. L’outil de travail qui a rempli entièrement son rôle pendant des décennies s’avère être un cadeau empoisonné, une bombe à retardement.

Double pénalité

Après ce projet de reprise avorté, le producteur pense alors faire place nette autour de sa maison d’habitation : les poulaillers ceinturent la maison, l’idéal serait de les faire tomber. « On ne rase plus aujourd’hui. Les devis ont confirmé mes craintes, la déconstruction coûtera plus de 100 € par m2 ». Une vente impossible, une déconstruction trop onéreuse et un sentiment de « léguer un patrimoine dévalorisé à ses enfants ». À ce jour, Michel Raffray attend une réponse de sociétés industrielles, qui planchent sur des solutions de grignotage du bâtiment, avec enfouissement sur place des déchets, bâchage et dalle béton. Or les déchets amiantés ont subi un changement au niveau de la réglementation, dénoncés par les professionnels du bâtiment.

Le friable et le non friable

En cause, un changement de la réglementation intervenu en juillet 2014, qui a mis dans le même panier les déchets amiantés friables et non friables. « Les premiers concernaient les matériaux utilisés par flocage, pour isoler les coques de bateaux par exemple. Pour les seconds, il s’agissait de plaques vissées ou pointées », explique Olivier Dilasser, gérant une entreprise spécialisée dans la construction de bâtiment en ossature bois, basé à Plouigneau (29). Dossiers épais à la main, il montre la complexité des chantiers, avec visites médicales pour ses salariés, temps de travail noté, récépissés de livraison des déchets dans les centres agréés. Avec ce changement de qualificatif des déchets amiantés, il ne peut plus intervenir en déconstruction. « Toute partie du bâtiment, si elle a été en contact avec des plaques d’amiante, est considérée comme déchet, ce qui engendre des volumes très importants ».

Pour désamianter une construction contenant de l’amiante, il faut des engins étanches à l’air, une coque extérieure ainsi qu’un bâchage sur le sol, ou un arrosage de l’édifice avec récupération de l’eau. Les intervenants ne doivent pas travailler plus de 2 heures consécutives, avec combinaison, masque, gants. Avant intervention, un diagnostic obligatoire par une personne certifiée valide ou non la présence d’amiante. « Sur ce document de 67 pages, 50 prélèvements ont été réalisés. Pas d’amiante, je peux intervenir », raconte l’entrepreneur, en présentant un dossier pour la rénovation d’une salle omnisports. Nul n’est censé ignorer la loi, c’est pourquoi chaque page du livret doit être épluchée.

Le mieux est l’ennemi du bien

Il est évident que les personnes intervenant sur des matériaux sensibles comme l’amiante doivent être protégés. Les conséquences sur la santé ne sont plus à démontrer. Il semble toutefois exister une catégorie de surhomme, nomméechefs d’entreprise, qui ont le pouvoir d’intervenir sans protections… « L’exploitant peut intervenir, mais qu’il n’aille pas mettre un de ses salariés sur le toit », conseille Olivier Dilasser. Les tonnes d’amiante utilisées pendant des décennies n’ont pas fini de faire parler d’elles, et d’embêter plusieurs corps de métier, tel un caillou dans une botte.

Chère certification

Nous sommes en cours de certification pour le traitement des bâtiments amiantés. Cette certification, payante, se fait par audit, et doit être renouvelée tous les ans. En plus de 3 analyses d’air obligatoires par an, le coût des travaux est augmenté par la location de cabane de chantier spécialisée, de matériel, l’achat des équipements individuels comme des masques ventilés, des gants et vêtements jetables, la constitution d’un dossier administratif pour chaque intervention et le montant important de traitement des déchets. Pour un bâtiment à désamianter, la mesure d’empoussièrement change suivant le type de matériau à démonter ou la technique utilisée pour traiter le déchet. Cette mesure influera sur le temps de session de chaque intervenant, ne pouvant excéder 6 h par jour, en tranche de 25 heures maxi plus une pause de 30 min entre chaque session. Nous sommes donc sur un métier ayant de gros frais fixes mais ceci pour la sécurité des intervenants sur les chantiers.

Olivier Ropars, Rest constructions métalliques


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