Dans le défi français de la baisse du chômage, les filières agricoles et alimentaires ont un rôle à jouer. Leurs responsables professionnels se sont sentis concernés à plus d’un titre par le plan qu’a annoncé le chef de l’État le 18 janvier. François Hollande n’a pas hésité à citer l’agriculture. Constitués en majorité de PME ou de très petites entreprises, Les acteurs économiques de la filière ont accueilli avec intérêt les perspectives d’allégement des charges et de soutien à l’embauche. Elles peuvent constituer une promesse de meilleure compétitivité qui manque tant aux filières agricoles et alimentaires. [nextpage title= »Incidences sur l’emploi agricole »]
À l’occasion de la présentation des vœux aux « acteurs de l’entreprise et de l’emploi » le 18 janvier, François Hollande a annoncé de nouvelles mesures gouvernementales en faveur de l’emploi, en insistant sur le rôle de l’agriculture.
Si le plan concerne le monde de l’entreprise dans son ensemble, le premier domaine cité par le président de la République est… l’agriculture. De fait, le secteur agricole, au sens large, peut être largement contributeur à la relance de l’emploi. À condition que les carnets de commande soient au rendez-vous.
Soutien à l’embauche
En matière de compétitivité, François Hollande a annoncé que « toute entreprise de moins de 250 salariés qui recrutera un salarié, notamment un jeune ou un demandeur d’emploi, payé entre 1 et 1,3 SMIC en CDI ou CDD de 6 mois et plus, se verra verser une prime de 2 000 € par an ». Cette mesure s’appliquera pendant deux ans, « le temps du basculement du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.) en baisse définitive de charges ». Selon les chiffres de la Mutualité sociale agricole, 80 % des salariés sur les exploitations agricoles perçoivent un salaire situé dans cette fourchette. Mais « ce n’est pas une prime qui poussera à l’embauche », estime Philippe Pelvet, directeur de l’Apecita (association au service du recrutement dans les secteurs agricole et agroalimentaire). « Une entreprise recrute si son carnet de commande est plein. Dans notre secteur, c’est l’économie le moteur de l’emploi », témoigne-t-il. Il concède que la prime peut au mieux être « un petit plus ».
[caption id= »attachment_14592″ align= »aligncenter » width= »800″] Sur certains métiers, les employeurs ont du mal à trouver des candidats de qualité. C’est le cas de la branche du machinisme agricole.[/caption]
Former aux besoins du marché
En matière de formation, François Hollande a annoncé la création de 500 formations nouvelles, en alternance, « ciblées sur les métiers pour lesquels nous savons qu’il y aura de forts besoins dans les années à venir ». Dans le secteur agricole, Philippe Pelvet constate en effet que « sur certains métiers, les employeurs ont du mal à trouver des candidats de qualité » faute de formation. « C’est le cas de la branche du machinisme agricole. Peu de jeunes s’y forment ». Car Philippe Pelvet constate que les envies des jeunes ne correspondent pas aux besoins du marché. « Ils veulent se former dans l’environnement, la qualité ou le marketing. Des secteurs où il y a moins de débouchés ».
L’alternance pour former et réduire les chiffres du chômage
François Hollande mise également sur la formation sous contrat de travail, par le biais de l’alternance. Il souhaite ouvrir le nombre d’offres en la matière et élargir les périodes d’entrée dans les formations en apprentissage. Il ambitionne également d’augmenter le nombre de contrats de professionnalisation. 50 000 chômeurs devraient en bénéficier contre 8 000 actuellement. Philippe Pelvet reste sceptique. L’apprentissage est encore peu développé en agriculture, explique-t-il, car c’est un contrat salarié qui coûte plus cher que le recours à un stagiaire. Pourtant, il admet que « les chefs d’entreprise qui jouent le jeu de l’apprentissage sont généralement satisfaits ».[nextpage title= »En recherche de vraies compétences »]
Les postes existent mais le candidat idéal, formé, compétent, autonome reste difficile à trouver, reprochent les principales entreprises du secteur agricole et agroalimentaire.
À première vue, la situation de l’emploi en agriculture peut paraître paradoxale. Ce secteur qui peine à recruter et le fait savoir régulièrement, n’est pas – lorsqu’il est pris dans son ensemble et sur un temps long – un réservoir d’emploi. C’est même l’inverse. Selon les chiffres du ministère de l’Agriculture, le nombre d’actifs en agriculture est passé de 1,319 million à 854 100 entre 2000 et 2013, soit une baisse de plus d’un tiers. Cette érosion s’observe aussi bien chez les exploitants que chez les salariés.
De fortes disparités entre les filières
Cela ne veut pas dire que l’agriculture ne recrute pas. Si le nombre de salariés diminue globalement, les disparités entre filières sont impressionnantes. En élevage (porcs, bovins, ovins…), le nombre de salariés a augmenté de 50 % entre 2004 et 2014, selon les chiffres de la MSA. Une augmentation « en lien avec l’agrandissement des exploitations, les contraintes sanitaires de plus en plus fortes et la mise aux normes des exploitations, ainsi que la fin des quotas laitiers en mars 2015 », explique l’Association nationale pour l’emploi en agriculture (Anefa). En revanche, dans les cultures spécialisées (horticulture, maraîchage et arboriculture), le nombre de salariés a baissé de 15 % sur la même période. Et ce sont des secteurs très pourvoyeurs d’emplois salariés ; les salariés et saisonniers réalisent 40 % du volume de travail en horticulture.
90 000 embauches dans le négoce en 2016
Pourvoyeur d’emplois important, avec 950 000 salariés, le négoce inter-entreprises recherche 90 000 postes. Le négoce inter-entreprises, dont la fédération est la Confédération du commerce de gros et international (CGI), regroupe tout le commerce de gros : l’alimentation (négoce des grains et engrais, du vin, pommes de terre, grossistes en fruits et légumes, viandes, boissons, etc.), matériaux du bâtiment, papier-carton, produits pharmaceutiques, etc. Sur les 950 000 salariés, les familles du secteur alimentaire en représentent 180 000.
Des salariés qualifiés
Enfin, l’agriculture recrute aussi car, quelle que soit la filière, elle doit remplacer les agriculteurs qui partent en retraite : les exploitants agricoles, en 2010, sont majoritairement âgés de 40 à 60 ans (61 %). Cette tendance implique des installations ou des agrandissements, qui nécessitent d’ailleurs de plus en plus de salariés pour des postes qualifiés, rapporte l’Anefa. « L’agriculture recrute de vrais métiers, de vraies compétences », insiste-t-elle. Avant de poursuivre : « Quand un agriculteur ne trouve pas d’association en élevage, il va chercher un salarié qui a des qualifications, qui est autonome. »
[caption id= »attachment_14593″ align= »aligncenter » width= »800″] Les cultures spécialisées (horticulture, maraîchage et arboriculture) sont des secteurs très pourvoyeurs d’emplois salariés.[/caption]
Dans les secteurs d’approvisionnement ou de transformation, « les coopératives agricoles ont une vision assez positive des perspectives de recrutement pour 2016, précise Emmanuel Paris, directeur des Affaires Sociales chez Coop de France. 71 % envisagent une stabilité des effectifs et 16 % une hausse, d’après leur auto-déclaration 2015. » Certaines fonctions se dégagent en termes d’embauches, notamment dans la production : « De nombreux recrutements sont en vue côté production, avec une vague de départ à la retraite. Il y a également des métiers qui apparaissent, beaucoup dans la logistique, également dans l’innovation (notamment autour de l’énergie) », note le spécialiste.
L’industrie mise sur la formation
L’industrie alimentaire, qui a relevé ses perspectives d’embauches sur la période 2014-2016 veut mettre l’accent sur la formation pour accélérer les recrutements. 17 250 postes sont non pourvus dans ce secteur, estimait en janvier le président de l’Association nationale de l’industrie alimentaire, Jean-Philippe Girard. Parmi les difficultés rencontrées : des compétences inadaptées des candidats, une pénurie de candidats, un manque d’expérience, des conditions de travail insatisfaisantes (horaire, pénibilité), un manque de motivation. Dans le secteur de la transformation des viandes, là aussi les emplois sont bien présents mais rarement pourvus. Les métiers de la viande souffrent d’une mauvaise image.
1500 postes non pourvus dans l’agroéquipement
Autre domaine ayant besoin de recruter, l’agroéquipement. En 2015, 1 500 postes n’ont pas été pourvus dans l’industrie de la machine agricole. Pour 2016, 52 % des industriels et 47 % des distributeurs prévoient d’embaucher, selon la dernière enquête du Syndicat national des entreprises de service et de distribution du machinisme agricole (Sedima) en date d’octobre 2015. Raphaël Lucchesi, président du Sedima, fait toujours le même constat : « Le nombre de candidats est insuffisant et freine les recrutements. Le niveau de compétence est aussi mis en cause (20 % des industriels et 28 % des distributeurs), comme l’insuffisance du niveau d’expérience (11 % des industriels et 18 % des distributeurs) ».