Sicco Mansholt était un agriculteur. Mais ce Néerlandais fut surtout l’artisan de la Politique agricole commune (Pac). Devenu premier commissaire européen à l’Agriculture, il comprit la nécessité de moderniser le secteur pour éviter les pénuries alimentaires et garantir un revenu aux agriculteurs. C’est dans ce double objectif qu’il fixa des prix minimums pour les principaux produits agricoles et qu’il fit appliquer des taxes sur les importations pour protéger les paysans européens.
De cette Pac héritée du Traité de Rome, il ne semble plus subsister que des ruines. Les idées néolibérales qui ont germé en Grande-Bretagne dans les années 70 se sont progressivement étendues aux autres pays de l’Europe. Cette rhétorique ne tardant pas à séduire les hauts-fonctionnaires, comme l’explique Bruno Jobert dans son ouvrage « Le tournant néo-libéral
en Europe ».
Peu à peu, cette pensée néolibérale a creusé son sillon dans l’agriculture. La réforme la Pac de 1992 a acté cette orientation. L’OMC a souvent servi d’alibi pour faire accepter cette évolution alors que les Américains s’en affranchissaient royalement. Aujourd’hui encore, quand bien même toutes les grandes puissances adoptent des dispositifs de protection de leurs agriculteurs, l’Europe préfère « conquérir de nouveaux marchés », comme aime le répéter Phil Hogan, actuel commissaire à l’Agriculture et qui fut également agriculteur au début de sa carrière.
À 54 années de distance, la conception de l’agriculture européenne des deux agriculteurs, devenus chacun à leur tour commissaire, est très éloignée. En 1962, l’humain était au cœur d’une Pac inscrite sur le long chemin de la paix et la prospérité. En 2016, l’économie prime et la pincée de régulation annoncée par Bruxelles s’apparente à un « accident de parcours ». Elle ne préfigure en rien un changement de cap.