Les images d’une ruralité en mutation

 - Illustration Les images d’une ruralité en mutation
À Guingamp, Gwinzegal explore toutes les facettes de l’univers de la photographie et propose actuellement un cycle d’expositions et de réflexion sur l’évolution des campagnes. À découvrir. 

À Guingamp (22), le Centre d’art et de recherche GwinZegal se définit comme « une plateforme de travail pour aborder les différentes facettes de la photographie », explique Solange Reboul, co-directrice.
Régulièrement, l’association propose des expositions, accueille en résidence de création, accompagne et édite les travaux d’auteurs bretons, français et étrangers. Elle organise également des colloques, conférences et visites commentées. Et surtout mène, depuis 2010, « un travail de médiation permanent autour des usages et point de vue liés à la pratique photographique. Notamment à destination des scolaires et des publics dont l’accès à l’art et à la culture est loin d’être évident comme dans les petites communes, les prisons ou auprès des personnes âgées. »

La mutation des campagnes

Au cœur du Pays de Guingamp, les responsables du projet du Centre d’art n’oublient jamais qu’il « prend racine dans le terreau d’un territoire à dominante rurale », rappellent Marina Chassan et Alain Le Flohic, présidents de GwinZegal. C’est pourquoi, l’association propose « Champs / Contre-Champs », un événement annuel qui « explore les représentations par l’image du monde rural ».

Jérôme Sother, co-directeur, explique : « Le XXe siècle aura connu une de ses révolutions les plus significatives : la lente disparition de la civilisation paysanne. Les agriculteurs représentaient 50 % des actifs en 1870 contre moins de 4 % aujourd’hui. » À travers les 4 expositions présentées jusqu’au 8 mai, les clichés parlent « de la modernisation des techniques, de la mutation profonde du métier de paysan, du changement de visage des campagnes et plus largement de nos modes de vie, jusqu’à ouvrir sur les questions actuelles et futures que posent les révolutions numériques, technologiques et déjà biotechnologiques (voir encadré) ».  

Les photos du poète Armand Robin, de Rostrenen

À la médiathèque de Guingamp, sont accrochées les photographies de Gustave Roud (1897 – 1976), « jamais exposées de son vivant. Il est pourtant l’un des principaux écrivains-photographes européens de l’entre-deux-guerres. Traducteur et poète de métier, ce Suisse avait l’habitude de se promener tous les jours, appareil photo autour du cou, pour immortaliser les paysans de son petit village vaudois. On en tire une riche collection d’images dépeignant les travaux des champs et la vie des campagnes, témoignant des débuts de la mécanisation… », explique Jérôme Sother.

Dans la même salle, en résonnance, sont exposés pour la première fois 24 clichés du poète Armand Robin, originaire de Rostrenen (22). « Nous avons retrouvé des reproductions de ses photos, les seules qu’on lui connaisse. Après un travail de restauration, nous les présentons brutes, sans sélection sous le titre “Le cycle du pays natal”. Elles documentent le quotidien d’un village du Centre-Bretagne en 1937. Armand Robin montre les habitants, leurs animaux, la cour de la ferme du voisin… » Pour compléter cette proposition, des images de ses manuscrits originaux conservés aux Éditions Gallimard sont également affichées, ainsi que ses ouvrages littéraires.

En immersion avec le curé de Callac

À quelques encablures, dans la galerie de GwinZegal, le visiteur poursuit sa promenade dans le Centre-Bretagne. Quelques dizaines d’années plus tard avec « Curé de campagne ». La photographe costarmoricaine Isabelle Vaillant y dévoile le fruit d’un travail de collecte commencé en 2011 et qui se poursuit : elle pose son regard sur les dernières années de la carrière d’Hubert Forget, prêtre à Callac (22). « Cérémonies, heures de catéchisme, mais aussi visites dans les familles… Au-delà des messes, ce reportage montre toute la diversité et l’importance de la fonction sociale de l’activité de curé dans cet environnement rural. En complément, nous projetons aussi une interview filmée d’Hubert Forget. »
Lors de Champs / Contrechamps, les groupes, scolaires comme particuliers, peuvent bénéficier de visites commentées. Pour ce faire, il suffit de contacter en amont le Studio GwinZegal.

Deposit, réfléchir sur la privatisation du vivant

Pour la première fois en France, GwinZegal présente l’exposition « Deposit » de l’auteur Suisse Yann Mingard à l’espace François Mitterrand. Ce reportage très fouillé s’intéresse aux lieux de conservation  et de stockage des connaissances relatives au vivant. L’accrochage est organisé autour de 4 grands chapitres : les plantes, les animaux, les humains et les données numériques.

Si un public rural ne s’étonne pas forcément des clichés relatifs à la recherche agronomique ou à l’insémination artificielle, « de nombreuses questions sont tout de même posées sur la dépossession du vivant, la protection de la biodiversité, les motivations réelles de certaines biobanques… », explique Jérôme Sother. « Le commerce de la semence humaine au Danemark, la cryogénie de corps en Russie, l’encodage des données dans de l’ADN… », les images, simples et richement commentées dans un livret, invitent à la réflexion alors qu’on entre dans une époque de « post-biologie » qu’évoque Yann Mingard dans une vidéo projetée aux visiteurs.  


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