Difficile de dire quand le prix du lait va remonter. Si les projections annoncent des éclaircies sur le marché laitier en 2017, la conjoncture dépendra du comportement de certains pays européens.
Avec la sortie des quotas, la hausse de quelques pourcents de la production européenne a fait basculer le marché à la baisse. Trop d’offres face à une demande plutôt stable. Seule solution : marquer une « pause » dans les niveaux de production européens selon Agritel dans sa lettre d’information économique du 11 avril. « Pour que les cours se réveillent un peu, il faut que la croissance de la production européenne s’arrête », estime Gérard You, chef de service conjoncture laitière à l’Idele, le 12 avril lors de la journée « Grand Angle Lait », organisée par l’institut. Bruxelles semble avoir pris conscience de la problématique.
Une régulation avec un cheptel en hausse
Pour autant, si la France défend une régulation de la production, d’autres pays n’ont pas vraiment envie d’arrêter d’inonder le marché, comme l’Irlande (+33 % en janvier et février/2015). « Un ralentissement de la production irait à l’encontre des investissements entrepris et de l’évolution récente du cheptel », observait Philippe Chotteau, le 12 avril. Entre l’Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark ou l’Irlande, ce sont plus de 20 millions d’euros d’investissements concernant les produits laitiers secs, entre 2012 et 2015, qui ont été annoncés dans la presse, rapporte-t-il. Et la taille de leurs cheptels a aussi progressé (+9 % en Irlande en 2015).
Difficile donc pour ces pays ayant tablé sur la production laitière de freiner ce début de développement. Pourtant, l’Allemagne commence à décapitaliser avec un « boom des réformes » de vaches laitières, selon la lettre économique Tendances lait et viande de l’Idele d’avril. D’après la publication, « sur les quatre premières semaines de mars, les abattages de vaches ont fortement augmenté (+11 %/2015 et +18 %/2014) », en lien avec la mauvaise conjoncture laitière. « À l’est de l’Europe, des pays vont caler », imagine Gérard You. En France, il table sur une stabilisation de la collecte pour 2016. La reprise du marché va dépendre de la capacité de résistance des entreprises face aux prix bas. « En Irlande, un accident climatique, comme une année très humide, pourrait faire reculer la production », analyse Gérard You. De plus, certains collecteurs commencent à diminuer le prix du lait, faute de pouvoir jouer encore longtemps « un rôle tampon ».
Aux Pays-Bas, les éleveurs vont probablement réajuster leur cheptel, mais ils attendent l’instauration d’une réglementation contraignante sur les émissions de phosphate, basée sur des quotas de vaches, d’où une forte capitalisation, selon lui. De plus, les transformateurs ont les reins solides. Pour Gérard You, « au Danemark, les éleveurs et transformateurs sont exsangues sur le plan financier. En Belgique, le prix du lait est épouvantable. Vont-ils tenir encore longtemps ? En Italie, la même question se pose sur le créneau du lait standard. Dans tous les cas, la variable d’ajustement sera le rythme des cessations d’activité des élevages ».
Un réveil du marché mi-2017
L’expert imagine un arrêt de la croissance laitière européenne pour le début du deuxième semestre 2016 et un « réveil du marché un peu au début de 2017 du fait de la saisonnalité des grands pays laitiers, mais plutôt mi-2017 ». Rien n’est dit dans tous les cas puisque comme le fait remarquer un acteur du secteur : « Tout va dépendre aussi des décisions européennes », qui influenceront le marché, sans parler d’un éventuel accident climatique en Nouvelle-Zélande ou d’une détente politique entre l’Europe et la Russie. Pour autant, l’eldorado chinois est à prendre avec des pincettes, surtout dans un contexte économique « de lourdeur générale ».