Le choix variétal reste le premier levier contre le réchauffement climatique.
Les campagnes 2016 et 2015 resteront dans les mémoires des légumiers bretons comme des années difficiles en chou-fleur, sous l’impact des effets dévastateurs d’une climatologie atypique. « Nous n’avons pas connu de phénomènes météorologiques néfastes aussi importants et aussi longs », insiste Gérard Yven, administrateur à la station expérimentale du Comité d’action technique et économique (Caté) lors de l’assemblée générale de la structure jeudi 21 avril.
Deux automnes consécutifs atypiques
En effet, de fortes variations de température à l’automne 2014 ont perturbé la phase d’induction florale des choux-fleurs. Ces incidents ont dégradé la qualité des produits, avec un développement important de bractées vertes dans la pomme blanche (chitoun), les rendant invendables. Pour cette saison, après un été pluvieux, le phénomène s’est reproduit en septembre-octobre et a perturbé l’initiation des pommes de choux-fleurs. La douceur automnale qui a suivi, avec des températures de plus de 5°C par rapport à la moyenne a induit des grossissements de pommes rapides, avançant les dates de récoltes jusqu’à 5 semaines, et provoquant surproduction et baisse des cours…
Fort heureusement, l’expérimentation conduite en réseau dans les stations expérimentales bretonnes et chez 30 producteurs bretons sur trois ans permet une constante évaluation de l’adaptation au changement climatique. « Les variétés issues du réseau d’évaluation B2 sont flexibles et permettent de minimiser l’expression de problèmes physiologiques en production », relève le producteur. Mais à terme, « il faudra sûrement travailler encore plus sur l’impact des variations de température sur le cycle des plantes pour ne pas le subir », relève Jean-Denis Crenn, président du Caté.
Réduire de 25 % le poste énergie en serre
Le projet tant attendu d’une nouvelle serre verra le jour en cette fin d’année 2016. Un dossier soutenu depuis de nombreuses années par les légumiers bretons qui en financeront près de 60 % -via leurs 4 organismes de producteurs (Sica, UCPT, Savéol et Solarenn) – des 1,5 M €. « La station expérimentale doit garder un temps d’avance », insiste Thierry Bizien, administrateur du Caté. Pour cela, elle doit suivre les nouvelles tendances avec une serre plus haute (7 m) et des cellules plus grandes pour accueillir de nouvelles expérimentations.
Avec des échangeurs thermiques double flux, l’air de la serre sera déshumidifié pour un coût énergétique moindre. « On espère réduire de 25 % la consommation énergétique qui représente 1/3 du coût de production », mentionne Michel le Roux, directeur de la station expérimentale. En lieu et place de la structure la plus ancienne (datant de 1989), 3 124 m² accueilleront 3 compartiments innovants de 786 m² pour des premières mises en place d’essais dès décembre.
Des stades de croissance marqués par la météo
Ces effets vont-ils se reproduire tous les ans ? Comment s’y adapter ? Les questions sont nombreuses. Hervé Quénol, directeur de recherches au CNRS à Rennes (35), spécialiste sur l’impact du climat sur la vigne a essayé d’y répondre. « Le chou-fleur, comme la viticulture, est un bon exemple de ce qui se passe. Les stades de croissance sont marqués par les températures. Le réchauffement climatique est confirmé avec +1°C en moyenne sur les 100 dernières années. Mais il s’étudie sur de longues périodes (50 à 60 ans). À l’échelle d’une exploitation, les conditions météorologiques varieront toujours d’une année sur l’autre, à l’image des gelées printanières ponctuelles de la semaine passée. Le producteur s’y adapte avant tout par le choix des variétés. » Il a mis en valeur le fait de tester les variétés de chou-fleur sur de nombreux sites pour travailler à l’échelle d’un territoire.
Les zones de production peuvent évoluer
Mais cette évolution ne pose pas que des problèmes au niveau de la production. Elle entraîne aussi des réflexions nécessaires sur la commercialisation et l’apparition de possibles concurrents. « Avec un gain de 1°C, la culture de la vigne « remonte » de 100 km. Demain, le vignoble de Champagne ne pourra peut-être plus argumenter être le plus septentrional d’Europe… »