L’influenza aviaire a eu des conséquences lourdes sur la filière avicole. Aujourd’hui, l’heure est à la mise en application des mesures et notamment le passage à la bande unique en pré-gavage qui demande à revoir les méthodes d’élevage.
L’influenza aviaire a de lourdes conséquences sur les filières avicoles qui dépendent des marchés à l’export. Malgré tout, ces filières devraient retrouver rapidement leurs marchés dès que le statut indemne sera retrouvé. Par contre, la filière canard gras subit de lourds changements afin de limiter le risque d’une nouvelle épizootie dans les années à venir. « C’est une vraie remise en cause de notre schéma de production fonctionnant sur du multi-âges sur nos sites d’élevages de pré-gavage », confie Anthony Pinson, éleveur de canards Mulards en pré-gavage, à Bulat-Pestivien (22).
À partir du 1er juillet les éleveurs doivent obligatoirement passer en bande unique pour garantir un vide sanitaire d’au moins 14 jours pour les bâtiments et de 42 jours pour les parcours. « Sur 36 millions de canards gras produits en France chaque année, la répercussion immédiate de cette mesure, cumulée à l’arrêt de production de 4 mois dans le Sud-Ouest, se traduit par une baisse de 9 millions d’animaux sur l’année 2016 », explique Olivier Nédelec, responsable des productions animales Ouest chez Euralis.
Fini le système multi-âges
L’éleveur de Bulat-Pestivien explique son ancien schéma de production : « Avec un système de production en multi-âges, j’avais des canards sur l’élevage 365 jours par an. L’objectif était de sortir autour de 50 000 animaux par an qui partaient ensuite chez des gaveurs. » Anthony Pinson réalise 6,5 lots de 7 500 canards par an. Tous les animaux sont démarrés dans la poussinière de 700 m2 chauffée et possédant un jardin d’hiver de 450 m2. « La mise en place des canetons se fait alors que les canards de la bande précédente sont en engraissement dans les bâtiments spécialisés juste à côté. » À 4 semaines d’âge, lorsque les canards du lot précédent sont partis vers des sites spécialisés en gavage (vers 11 semaines) les animaux sont enlevés de la poussinière pour rejoindre les 2 tunnels de 450 m2 et le bâtiment de 700 m2 non chauffés. Ils auront alors accès au parcours et seront nourris en extérieur. « S’en suit une semaine de nettoyage et désinfection de la poussinière avant l’arrivée de nouveaux canetons. »
C’est un épisode inédit, voire exceptionnel que traverse notre filière canard gras avec ces cas d’Influenza aviaire. Le choix du dépeuplement dans le Sud-Ouest est unique en Europe. Les mesures habituelles sont un abattage autour du foyer. Mais nous n’avions pas le choix, il fallait intervenir pour assainir le territoire. D’autant plus que l’Anses a détecté 3 souches différentes du virus et des recombinaisons entre certains. Le dépeuplement progressif a été vécu comme un séisme par les éleveurs du Sud-Ouest, mais nous sommes dans la stricte application des règles de biosécurité. Le passage en bande unique va permettre de tout nettoyer et désinfecter à chaque lot afin de sécuriser au mieux les élevages. C’est un travail à effectuer méticuleusement afin de préserver les autres filières avicoles très présentes en Bretagne.Marie-Pierre Pé, porte-parole du Cifog
Passage de 6,5 à 3,7 lots/an
« Avec le passage en bande unique, je passe de 6,5 à 3,7 lots annuels. Quand je rentrais un lot de canetons toutes les 7 à 8 semaines, aujourd’hui c’est toutes les 14 semaines », explique Anthony Pinson. Pour pallier cela, il charge actuellement plus sa poussinière et de 10 animaux/m2, il passe à 15/m2 avec un détassage à 10 jours au lieu de 4 semaines. « L’objectif étant de passer de 7 500 canards à 14 500 par bande pour essayer de conserver mon objectif de 50 000 canards produits par an. » Aujourd’hui, la poussinière ne sert plus que pour le démarrage, un lot de canards y reste jusqu’au départ à 11 semaines à destination des sites de gavage.
Toutes ces nouvelles règles de biosécurité, c’est du bon sens.
Toute cette réorganisation nécessite des investissements. Le bâtiment de 700 m2 non chauffé va être isolé, du matériel d’alimentation va être installé ainsi que du chauffage et la ventilation. Tout cela nécessite un investissement de 110 000 € (avant aides PCAEA). « L’objectif est d’avoir une deuxième poussinière pour gagner en souplesse au démarrage et ne pas avoir à détasser trop tôt. » Sans cet investissement, l’éleveur estime perdre 25 % de sa production par an. « Le groupe Euralis perd 15 % de ses volumes à cause du passage en bande unique. C’est pour cette raison que nous demandons aux éleveurs d’investir afin de tenter de maintenir notre production », déclare Olivier Nédelec.
Des contrats renégociés à la hausse
« Si cela peut paraître compliqué au début, toutes ces nouvelles règles de biosécurité, c’est du bon sens », lance Anthony Pinson. Il ne se plaint pas de la situation et donne ses chiffres. Il y a 7 ans, son prévisionnel d’installation était bâti sur 1,85 € de marge PA (poussin Aliment) par tête. Aujourd’hui la moyenne est à 2,20 € de marge PA par tête grâce aux gains techniques. Avec le passage en bande unique l’objectif à atteindre est de 2,50 € de marge PA par tête. « Notre groupement ne versera pas d’aides directes aux investissements. Par contre, l’association des producteurs est en cours de négociation pour une augmentation des contrats permettant d’atteindre notre nouvel objectif de marge à 2,50 €/tête », informe l’éleveur. Il laisse aussi entendre que la bande unique va être plus facile à gérer du fait qu’il n’y a pas d’animaux sur l’élevage 365 jours par an.