Interview / Guy Hermouet, président Interbev bovins.
Pourquoi tant de stocks et des prix si bas ?
Guy Hermouet : Il y a plusieurs facteurs concomitants. Nous avons d’abord l’embargo russe qui a remis une quantité importante de viande bovine sur le marché européen. Nous avons aussi la crise laitière qui a conduit à abattre 100 000 vaches supplémentaires en un an en France. Résultat, les prix ont encore décroché de 30 à 40 ct/kg sur l’ensemble des catégories et il manque aujourd’hui de 80 ct à 1 €/kg aux éleveurs pour équilibrer.
On parle de retard d’enlèvement important ?
G.H. : En jeune bovin, il y a 4 semaines de stock dans les exploitations. Soit quelque 60 000 bovins. Il y a urgence pour trouver un débouché pour ces animaux hors de l’Europe. La Turquie a lancé un appel d’offres. À qualité égale, le prix français n’est pas plus élevé que ses concurrents. C’est d’abord un dossier politique. En Iran, nous sommes confrontés à des problèmes de garantie bancaire ; en Égypte, il s’agit d’un problème de devises, etc. Sur ces dossiers nous avons sollicité et nous sollicitons un soutien politique fort.
Comment l’élevage français peut-il renouer avec la rentabilité ?
G.H. : Partout dans le monde, les races bovines françaises sont connues pour leur qualité et sont associées au territoire. Nous travaillons à promouvoir cette image à la quelle le consommateur est sensible. À ce titre, des enseignes de la distribution vont prochainement signer des accords avec la FNB. Il y a également un véritable enjeu sur la restauration collective qui représente un marché de 300 000 t dont 200 000 t importées.
Les accords de libre-échange sont une menace supplémentaire dans ce contexte ?
« Le fait d’avoir pu faire valoir que la viande bovine est un produit sensible dans le cadre des accords du Mercosur est une première victoire. Nous devons avoir la même vigilance sur l’accord transatlantique. L’enjeu ce sont 55 000 emplois et 44 000 élevages qui pourraient disparaître. Faut-il rappeler que l’aloyau américain est vendu 8-9 €/kg quand la même pièce est vendue 14 €/kg en France. »
Le troupeau bovin européen va-t-il résister à cette crise dont on ne voit pas le bout du tunnel ?
G.H. : Notre inquiétude, c’est que dans deux ans l’Europe manque de viande car les éleveurs laitiers et allaitants auront été contraints de décapitaliser pour renflouer leurs trésoreries.