Comme pour beaucoup de maladies multifactorielles, la question du lien entre les mammites et l’alimentation est posée par les éleveurs et les intervenants en élevage. L’alimentation n’a pas d’effet direct sur le risque d’infection mammaire. Cependant, certains évènements (transitions alimentaires, déséquilibres ou déficits alimentaires, etc.) peuvent fragiliser les défenses immunitaires de l’animal.
Cette synthèse, proposée par l’Institut de l’Élevage, fait le point sur les connaissances actuelles concernant l’impact de l’alimentation sur les mammites.
Rationnement équilibré en énergie et en protéines
Il a été démontré une corrélation positive entre le taux de mammites cliniques et les pertes de poids en début de lactation. La perte de poids peut provenir d’un déficit énergétique de la ration de début de lactation (insuffisance de l’ingestion de l’animal ou de la densité énergétique de la ration), mais aussi d’un excès énergétique de la ration pendant le tarissement qui entraîne un engraissement excessif lors de la période sèche suivi d’un amaigrissement important en début de lactation du fait d’une capacité d’ingestion limitée au regard des besoins croissants.
Sur le terrain, l’excès d’azote est souvent considéré comme favorisant l’apparition de mammites. Cependant, les études montrent que le niveau azoté de la ration en lactation ne peut pas, à lui seul, être déterminant dans la fréquence de l’apparition des mammites.
Les observations des éleveurs font état d’une augmentation du nombre de mammites au moment de la mise à l’herbe. Ce phénomène transitoire (quelques jours) peut s’expliquer surtout par un accroissement de la contamination bactérienne du milieu notamment en raison de bouses plus liquides.
Alimentation en vitamines et minéraux
Plusieurs micronutriments sont impliqués dans le bon fonctionnement du système immunitaire, en particulier les vitamines E et A, le ß-carotène, le cuivre, le sélénium, le zinc ou le fer. Des carences ou des excès de ces micronutriments peuvent induire des dysfonctionnements susceptibles d’accroître la sensibilité des vaches aux infections mammaires (Tableau de synthèse en fin d’article).
Le tableau ci-dessous aborde la question de la complémentation des rations. Pour différents minéraux et vitamines, les périodes de la vie de l’animal « à risque » et les rations pour lesquelles une complémentation est nécessaire.
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[table_head]
[th_column]Eléments[/th_column]
[th_column]Carence/Excès[/th_column]
[th_column]Période à risque, Ration à complémenter[/th_column]
[/table_head]
[table_body]
[table_row]
[row_column]Calcium[/row_column]
[row_column]Carence[/row_column]
[row_column]Période à risque : autour du vêlage[/row_column]
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[table_row]
[row_column]Magnésium[/row_column]
[row_column]Carence[/row_column]
[row_column]A considérer en préparation au vêlage sous forme de chlorure[/row_column]
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[table_row]
[row_column]Zinc[/row_column]
[row_column]Carence/excès[/row_column]
[row_column]Complémentation en zinc nécessaire tout au long de l’année[/row_column]
[/table_row]
[table_row]
[row_column]Sélénium[/row_column]
[row_column]Carence[/row_column]
[row_column]Complémentation en sélénium nécessaire tout au long de l’année[/row_column]
[/table_row]
[table_row]
[row_column]Vitamine E[/row_column]
[row_column]Carence[/row_column]
[row_column]Complémentation nécessaire pour les fourrages ensilés Période à risque : autour du vêlage et en début de lactation[/row_column]
[/table_row]
[table_row]
[row_column]Vitamine A et ß-carotène[/row_column]
[row_column]Carence[/row_column]
[row_column]Complémentation nécessaire en vitamine A pour les fourrages conservés (foin, ensilages…)[/row_column]
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Zoom sur Sélénium et Vitamine E
De nombreuses publications, basées sur des observations ou des expérimentations, ont montré l’influence de l’apport de la vitamine E et du Sélénium au cours de la période sèche sur la pathologie mammaire dans le cas d’animaux carencés pour ces éléments. Ils agissent principalement en préservant l’intégrité des globules blancs essentiels à l’élimination des infections mammaires. Des travaux ont montré que l’apport en sélénium est quasi toujours insuffisant dans les rations des vaches laitières. Il est donc conseillé d’apporter une complémentation tout au long de l’année. L’herbe pâturée, les céréales ou les tourteaux sont riches en vitamines E. Ce n’est pas les cas des ensilages où la quasi-totalité de la vitamine E est détruite pendant la fermentation ; complémenter ces rations est nécessaire.
Maladies métaboliques, des effets démontrés
Cétose (ou acétonémie)
Cette maladie métabolique, rencontrée surtout en début de lactation, est caractérisée par une accumulation de corps cétoniques dans le sang. Il est établi que les corps cétoniques entrainent une diminution de la capacité de phagocytose des globules blancs et donc des défenses immunitaires des animaux. La baisse d’appétit engendrée par l’état de cétose induit également un temps de couchage plus important et donc une augmentation du risque d’entrée de germes via la litière.
La prévention des cétoses passe par le respect des bases de l’alimentation de la vache laitière : éviter la suralimentation avant le vêlage, couvrir les besoins en énergie et en azote en début de lactation, favoriser l’ingestion à l’aide d’une bonne gestion de la transition et le choix de fourrages ingestibles et digestibles.
Acidose
Certains suggèrent qu’il y a un lien entre l’état d’acidose et les mammites. Le mécanisme envisagé serait une augmentation de la présence des bactéries dans les litières du fait de l’augmentation des épisodes diarrhéiques des animaux. De plus, les vaches en sub-acidose ruminale diminuent leur ingestion pour limiter l’acidification du rumen. De ce fait, elles se déplacent moins et restent plus longtemps en position couchée. Cet effet est aggravé par les troubles locomoteurs favorisés par l’état de sub-acidose.
L’œdème mammaire, des répercussions sur les mammites
L’œdème mammaire (qui apparait autour du vêlage et, le plus souvent sur les primipares) peut entraîner de nombreuses complications ayant des répercussions sur les infections mammaires :
⦁ rétention lactée, d’où une mauvaise vidange de la mamelle
⦁ difficultés de l’animal à se lever provoquant un contact des sphincters ouverts avec les bactéries présentes dans la litière autour du vêlage
⦁ traite difficile et possibles chutes du faisceau trayeur entrainant des entrées d’air.
Une alimentation trop riche en sels (excès de sodium, de potassium) ainsi qu’un apport trop important d’énergie avant vêlage vont favoriser les œdèmes mammaires.
Un point clé à respecter
Pour favoriser la bonne capacité de réaction des vaches laitières face aux infections mammaires, il est impératif de respecter les recommandations en matière de couverture des besoins alimentaires.
Le tableau ci-dessous présente, de façon simplifiée, les effets de carence ou d’excès en vitamines ou minéraux sur la mamelle et l’intégrité du système immunitaire de l’animal.
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[th_column]Eléments[/th_column]
[th_column]Conséquences[/th_column]
[th_column]Lien avec le risque d’infection mammaire[/th_column]
[/table_head]
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[table_row]
[row_column]Ca et Mg (Hypocalcémie – Hypomagnésie)[/row_column]
[row_column]Baisse de la tonicité du sphincter[/row_column]
[row_column]Favorise la pénétration des germes[/row_column]
[/table_row]
[table_row]
[row_column]Zinc (Carence)[/row_column]
[row_column]Diminution de l’action du système lymphoïde, Mort des leucocytes plus rapide, Action sur la composition de la kératine[/row_column]
[row_column]Sensibilité accrue aux infections, Favorise la pénétration des germes[/row_column]
[/table_row]
[table_row]
[row_column]Zinc (excès)[/row_column]
[row_column]Mort des leucocytes plus rapide[/row_column]
[row_column]Sensibilité accrue aux infections[/row_column]
[/table_row]
[table_row]
[row_column]Manganèse (carence)[/row_column]
[row_column]Baisse de l’élimination des radicaux libres de l’organisme, Mort des leucocytes plus rapide[/row_column]
[row_column]Sensibilité accrue aux infections[/row_column]
[/table_row]
[table_row]
[row_column]Sélénium (carence)[/row_column]
[row_column]Baisse de son rôle antioxydant, Baisse de la persistance de la réponse immunitaire[/row_column]
[row_column]Sensibilité accrue aux infections[/row_column]
[/table_row]
[table_row]
[row_column]B carotène (carence)[/row_column]
[row_column]Baisse des lymphocytes T, Baisse de la stimulation de la réponse immunitaire[/row_column]
[row_column]Sensibilité accrue aux infections[/row_column]
[/table_row]
[table_row]
[row_column]Vitamine E (carence)[/row_column]
[row_column]Diminution de la fonction phagocytaire des leucocytes[/row_column]
[row_column]Sensibilité accrue aux infections[/row_column]
[/table_row]
[table_row]
[row_column]Vitamine C (carence)[/row_column]
[row_column]Baisse de la régénérescence de la vitamine E et diminution de son rôle antioxydant, Protection de la membrane des leucocytes[/row_column]
[row_column]Sensibilité accrue aux infections[/row_column]
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[/table_body]
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Philippe Roussel (Idele), Nadine Ballot (CNIEL) avec l’appui de Nathalie Bareille (Oniris), Marlène Guiadeur (Cirlait/Idele), Florence Kling-Eveillard (Idele), Samuel Bouchier (Isère Conseil Elevage), Ivanne Leperlier (GDS Bretagne), Marine Gelé (Idele), Benoît Rouillé (Idele).
Retrouvez le PDF intégral de l’article sur le site idele.fr