Mardi 14 juin, la Confédération paysanne de Bretagne a réfléchi à la crise et aux modalités pour « repenser le modèle laitier ».
Aujourd’hui, c’est « colère, démission, désespoir, repli sur soi par manque de perspective… » dépeint Dominique Raulo, de la Confédération paysanne Bretagne en introduction du colloque à Saint-Gilles (35). « Mais cet effondrement du marché laitier n’est ni une fatalité, ni une loi naturelle ! » Elle est la conséquence du « message envoyé de concert par les industriels, la Commission européenne et les responsables agricoles affirmant que les éleveurs étaient libres de produire le volume qu’ils veulent. Un mirage, un cas d’école. »
Une crise durable
Bien sûr, « la baisse des importations russes et l’inconstance de la Chine qui fait la pluie et le beau temps » ont conduit à l’effondrement des prix des commodités laitières (beurre, poudre), explique Christophe Perrot, de l’Institut de l’élevage. Mais « l’excès d’offre n’est pas une surprise car l’arrêt des quotas avait été anticipé par beaucoup. Cette sortie progressive a été incomplètement progressive : les vannes ont été ouvertes quand il y avait plein de lait sous le plancher… Il a jailli ». Bilan de la première campagne : « + 18,5 % de production en Irlande, + 12 % aux Pays-Bas, + 6 % au Danemark, + 2,9 au Royaume-Uni et + 1,3 % en France… » Dans cette crise, l’Europe a une « responsabilité écrasante vu le lait qu’elle a mis sur le marché mondial depuis 2013 ». Et demain ? « Les analystes parlent d’un problème qui se réglerait à moyen terme. Des Irlandais voient les prix remonter en 2016. La position européenne imagine de revenir à l’équilibre en 2018 – 2019… »
Sourde Bruxelles
Dominique Raulo, lui, juge urgent de « poser les conditions d’une sortie de crise à court terme. » Pour Thierry Roquefeuil, président de la FNPL, « l’adéquation entre l’offre et la demande est le vrai sujet. » Mais la difficulté vient de « l’intérêt individuel d’augmenter ses livraisons qui diverge de l’intérêt collectif de freiner dans cette course suicidaire au volume », poursuit Laurent Leray de la Confédération paysanne Normandie. Comme à l’European Milk Board (EMB) ou à l’Apli, on croit à une gestion dynamique basée sur un tunnel de prix : « Quand prix et demande sont soutenus, on livre davantage. Quand le prix baisse, que le marché est déséquilibré, on limite les volumes. »
Simple mais difficile à mettre en œuvre dans une « Europe libérale ». « C’est encore gagnable, même avec cette politique contraire, car ce système ne coûte pas cher », estime Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne. À ses côtés, Christophe Miault, représentant de Terrena et Coop de France, concède : « Oui, nous avons besoin d’un système de gestion des volumes à l’instant T et prêt pour gérer la prochaine crise. » Malheureusement, Aurélie Trouvé, d’AgroParisTech, explique que « la Commission considère toujours le problème conjoncturel. Elle ne peut admettre que la crise est structurelle puisque rien n’a été prévu pour y répondre ».
Irlande, produire plus sinon rien
En Irlande, l’institut Teagasc explique qu’en 2015, les producteurs, face à une baisse du prix du lait de 20 %, ont compensé en produisant 20 % en plus pour diluer les coûts et conserver le même revenu (- 4 %). Par contre, ceux n’ayant pas augmenté leur livraison ont subi une chute de 34 % de revenu. Aujourd’hui, les Irlandais imaginent des prêts sans intérêt pour passer le cap de l’année 2016.