Guy-Pierre Martineau, de l’ENV Toulouse, est intervenu récemment à l’occasion de l’assemblée générale de l’OVS Bretagne. Il est revenu sur l’impact psychologique et physiologique du sevrage sur le porcelet.
[caption id= »attachment_20628″ align= »alignright » width= »211″] Guy-Pierre Martineau, de l’ENV Toulouse[/caption]
Le sevrage est une phase critique. « Pourtant, dans les salles, on ne voit rien, sauf parfois de la diarrhée », explique Guy-Pierre Martineau, professeur de pathologie porcine à l’ENV Toulouse. « Et si on autopsie un porcelet, on ne trouvera qu’un peu de liquide dans l’intestin. Rien de flagrant. »
Stress et néophobie alimentaire
Mais derrière les apparences, se cachent de profondes mutations. « En sortie de maternité, le changement d’environnement induit un stress qui influe sur le comportement, limite l’ingestion, favorise les problèmes de digestion et de diarrhées et engendre un état de néophobie alimentaire chez le porcelet. » Des facteurs liés concourant à une réduction de croissance.
Habitué à téter « du lait chaud toutes les heures », le porcelet doit s’adapter à une alimentation solide. Dans ce nouveau milieu, la compétition sociale exacerbe la difficulté : « On retrouve les dominants devant les nourrisseurs et les dominés qui attendent. » Évoquant « la nécessité de faire de la psychologie du porcelet », Guy-Pierre Martineau insiste sur le stress et la néophobie alimentaire au sevrage. Phénomène d’appréhension ou de répulsion relatif à la nourriture qui existe chez de nombreux jeunes enfants « qui picorent, rechignent à manger ou refusent de goûter de nouveaux aliments ».
Les résultats d’études sont sans appel. « 20 à 25 % des porcelets ne mangent pas dans les 24 h après sevrage à cause de cette néophobie. Les gros comme les petits. » On constate aussi une variation importante du comportement à l’abreuvement entre individus. Des travaux montrent que la consommation d’eau chute radicalement (parfois de plus de 4 L à moins d’1 L par jour) dans les 5 jours suivant le sevrage avant de mettre plusieurs semaines pour retrouver son niveau initial. « Face à cela, dans certains pays, les éleveurs font couler de l’eau en continu pour attirer les porcelets sevrés. »
Dans les deux jours suivant le sevrage, l’intestin grêle perd 20 à 30 %. Sa régénération prendra ensuite 5 à 10 jours. Cela s’accompagne d’une atrophie villositaire marquée qui se traduit par une perte « de plus de 50 % » de la surface d’absorption de la paroi. « En fait, tout l’intestin est sous l’emprise du stress du sevrage. Et comme il y a un lien étroit entre le régime alimentaire, la microflore et la muqueuse gastro-intestinale, le sevrage induit des dysfonctionnements intestinaux, provoque des modifications physiologiques des cellules… On mesure par exemple une baisse du transport d’ions à travers la muqueuse. »
Surtout, dès que le porc est stressé, il y a déstabilisation immédiate du microbiote (voir encadré) où plus de 400 espèces de micro-organismes cohabitent. « On observe une diminution des lactobacilles et une augmentation des bactéries du genre Bactéroides et des enterobactériaceae… Il faut 2 à 3 semaines pour retrouver l’équilibre. »
Le microbiote, l’autre cerveau
Le microbiote intestinal constitue l’ensemble des microorganismes vivant dans l’intestin. « Le ventre, ou plus précisément cette microflore intestinale, est un 2e cerveau. Imaginez qu’elle contient 100 fois plus de gènes que le génome de l’hôte, porc ou humain… Voilà pourquoi la recherche scientifique travaille tant sur le sujet. » La relation microbiote – intestin – cerveau est en fait centrale. « Le microbiote contrôle ou joue sur le moral, la sociabilité, les défenses naturelles, les rythmes biologiques, la mémoire, la croissance, la faim, le choix des aliments, le vieillissement… » Chez le porcelet, les perturbations de la flore dues au stress du sevrage ont aussi une action directe, « par exemple par la libération de neuropeptides », sur le cerveau.
Poids deux semaines après sevrage
« On relie souvent les performances en post-sevrage au poids du porcelet à la naissance ou au sevrage. Mais elles s’expliquent bien davantage par le poids deux semaines après le sevrage. » Sous-entendant l’importance de s’intéresser à cette transition cruciale. Mais comment mieux gérer son sevrage ? « Les pathologies sont multifactorielles. Il y a peu de médicaments miracles. Il y a des livres de 500 pages sur le sujet. Tout le monde a sa recette, on sécurise, on hypersécurise, on protège et surprotège… Mais les problèmes continuent. » Retenons que le porcelet est un bébé, qu’il faut soigner son confort d’accueil en post-sevrage en cherchant à réduire son stress.