Depuis le 1er juillet, un Schéma directeur régional régit la politique foncière en Bretagne. La profession est dans l’expectative.
La loi d’Avenir pour l’agriculture du 13 octobre 2014 a introduit la modification du contrôle des structures par la mise en place de Schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles (SDREA) remplaçant les schémas départementaux. En Bretagne, l’arrêté préfectoral, publié le 30 juin 2016, s’applique à toutes les demandes d’autorisation déposées complètes à partir de cette date. Son rôle : fixer les conditions d’attribution aux agriculteurs des autorisations d’exploiter de nouvelles parcelles agricoles. En spécifiant en particulier les critères permettant de départager des demandes concurrentes.
Seuil de déclenchement abaissé à 20 ha
Qu’est-ce qui va changer ? D’abord, « à la demande de la profession, pour que le maximum de dossiers soient soumis au contrôle des structures », le seuil de déclenchement du contrôle a été abaissé à 20 ha en polyculture-élevage (contre 45 à 50 ha auparavant dans les départements bretons), explique Ronan Le Cleach, de la Confédération paysanne du Finistère. Ainsi, toute opération (installation, agrandissement…) portant le parcellaire total de l’exploitation au-delà de cette surface devra faire l’objet d’une demande d’autorisation d’exploiter.
Ensuite, ce Schéma régional révise le classement des priorités pour départager les demandes concurrentes. Il répond, dans l’ordre, aux orientations que sont « le maintien d’exploitations viables, l’amélioration du parcellaire, les installations et transmissions… Des critères d’arbitrages sont prévus pour les cas de candidats relevant d’un même rang de priorité. Sont également considérés la contribution à la diversité des productions agricoles régionales et au développement des circuits de proximité, l’impact environnemental… », précise l’Administration. Autre évolution, la dimension économique et la viabilité des exploitations concernées sont désormais mesurées grâce au nouvel Indicateur de dimension économique (IDE).
L’installation perd son statut
Pour Ronan Le Cleach, ce dispositif s’annonce d’abord comme un « Schéma de restructuration foncière puisque beaucoup de dossiers passeront devant les notions d’installation ou de développement économique des petites et moyennes exploitations qui en ont le plus besoin ». Pour lui, l’introduction du calcul d’un Indice de dimension économique est « une très bonne idée pour comparer les candidatures ». Mais, il estime que cet outil sera peu utilisé du fait des priorités.
« Avec ce SDREA, une grosse exploitation qui perd du plan d’épandage est prioritaire sur un jeune qui veut s’installer. Une grosse structure est aussi prioritaire pour s’agrandir sur un terrain situé à moins de 500 m de ses bâtiments et dans la continuité de son parcellaire par rapport à un nouveau projet à lancer sur peu de foncier. Un preneur en place passe aussi avant un descendant de propriétaire foncier désirant se lancer en agriculture… Vu les problèmes de renouvellement dans notre secteur, c’est vraiment dommage. »
De l’entrée foncière à l’entrée économique ?
Hervé Le Saint, membre du bureau de la FDSEA du Finistère, juge également d’un bon œil l’IDE. « Dans nos schémas départementaux, avec la seule entrée foncière et des cœfficients de pondération par production, les ateliers bovins avaient souvent le dernier mot et les systèmes hors-sol avaient du mal à se conforter. Cet Indice offre une équivalence pour mieux comparer élevage de porc et élevage laitier par exemple. » Par contre, il regrette le recul des CDOA. « On ne peut pas tout régler d’un simple texte administratif régional, lui-même expression d’une ligne nationale. Nos Commissions départementales, en présence de tous les acteurs locaux, avaient un rôle important d’explication. »
À propos de l’installation, qui était « la priorité des priorités » et qui passe « d’objectif prioritaire à objectif principal » derrière l’aménagement parcellaire : « On comprend bien que le regroupement foncier favorise le pâturage en bovins ou crée une meilleure barrière sanitaire autour des élevages hors-sols et favorise leur autonomie. Mais il est regrettable que la CDOA n’ait plus de marge de manœuvre quand un projet d’aménagement parcellaire est confronté à une installation… »
Premier bilan prévu dans un an
La profession parle « d’incertitude » et demande à voir. La loi prévoit une révision du Schéma après 5 ans. « Mais vue l’évolution, la révolution même, nous avons rendez-vous dans un an avec l’Administration régionale, qui a les mêmes doutes que nous, pour débattre des incohérences et points de blocage. Voire avant si on constate que trop de projets d’installation ne parviennent pas à se réaliser. » Tout n’est pas encore figé dans le marbre, mais « dans ce flou », les premiers dossiers pourraient essuyer les plâtres.
Pour des ateliers au foncier cohérent
Dans les nombreuses étapes de travail avec l’Administration, nous avons insisté sur une ligne directrice très forte autour de la restructuration parcellaire pour le maintien de l’élevage en Bretagne. Cela se traduira par exemple à travers l’idée de privilégier les parcelles de proximité en faveur du pâturage, base de la cohérence des ateliers bovins. Un schéma qui doit aussi favoriser au-delà de la préservation du foncier, les échanges amiables.
Même si l’installation reste prioritaire, ce nouveau schéma donnera une place plus importante à la consolidation des exploitations existantes et plus d’équité entre toutes les filières. Attention toutefois à la cohérence des calendriers en particulier dans le cadre du parcours installation qui réclamera de la réactivité. Je ne cache pas une certaine crainte de voir une grille régionale figée prendre la place du travail d’écoute et de médiation des acteurs départementaux très impliqués auparavant. Mais la clause de revoyure dans un an permettra d’ajuster ce SDREA.Alain Hindré, Élu à la Chambre régionale d’agriculture