Expert du marché mondial depuis des décennies, Xavier Fontanet, ancien PDG d’Essilor, livre sa vision sur l’élevage breton face à des enjeux planétaires.
[caption id= »attachment_20485″ align= »aligncenter » width= »600″] « On est aussi bon que les Allemands, nous sommes simplement plus chargés », a affirmé Xavier Fontanet, lors de son intervention à Briec (29).[/caption]
Un marché mondial se conquiert. Xavier Fontanet, anciennement à la barre d’Essilor, groupe spécialisé dans la conception, la fabrication et la commercialisation de verres correcteurs, le sait. Il a fait part de ses expériences lors d’une soirée débat organisée par la Chambre d’agriculture du Finistère, à Briec (29). « La Bretagne est la plus belle terre du monde. Il faut inventer des histoires à l’aide d’outils marketing, de recherche et développement », pense-t-il. Montrer ce que l’on sait faire, c’est une des solutions pour sortir son épingle du jeu dans un marché mondial tendu. « L’incapacité des prix à couvrir le coût de revient de nos productions doit amener une réflexion et des actions rapides sur les mécanismes de solidarité dans nos filières et sur la répartition de la valeur ajoutée vers l’amont », ajoute André Sergent, président de la Chambre d’agriculture du Finistère.
Le jockey doit être un poids plume
Souvent décriée, la concurrence déloyale entre pays trouve son origine dans les charges payées par les sociétés, selon Xavier Fontanet. « Les entreprises françaises paient 1/3 de charges à l’État, ce qui représente 150 milliards d’euros de plus que les autres pays. On est aussi bon que les Allemands, nous sommes simplement plus chargés. Comment peut-on gagner une course hippique quand le jockey est plus lourd que son cheval ? », se questionne le spécialiste. Avec un PIB (produit intérieur brut) de 2 050 milliards d’euros, la sphère publique représente 1 170 milliards (soit 57 %), la sphère privée 880 (43 %).
« L’Allemagne, avec un système comparable au nôtre avec les Länders, présente une ventilation inverse entre public et privé, respectivement de 44 et de 56 %. Notre sphère publique est 69 % plus coûteuse que celle des Allemands (Voir tableau ci-dessous). Pour faire maigrir notre sphère publique, 260 milliards sont nécessaires », chiffre l’entrepreneur. Ce régime, de nombreux pays l’ont réalisé, afin de réduire leur dette, tout en conservant le même PIB.
Choisir plutôt que de subir la rigueur
Le globe-trotter Xavier Fontanet a égrainé les solutions observées dans les différentes contrées visitées lors d’échanges commerciaux pour son entreprise. Il révèle ainsi qu’au Canada, « on ne peut pas dépenser plus que l’on gagne, et que si les entreprises ont du mal à trouver du crédit, c’est que l’État se sert avant ». Outre-Rhin, les « 9 millions de mini-jobs ont largement contribué à faire baisser le chômage. 100 milliards ont ainsi été économisés. La Nouvelle-Zélande a fait baisser progressivement la part de la sphère publique à 30 %, quand, en Suisse, le montant des taxes est laissé à la charge des régions. Une concurrence naturelle s’installe alors entre cantons, qui font tout pour être attractifs envers les sociétés ». L’économiste prédit que si la France augmente l’âge de départ à la retraite, 150 milliards d’euros seront épargnés. « Des solutions existent pour trouver ces montants importants et ce, sur une période de 12 ans ».
Tout est bon dans le cochon breton
La venue d’industriels chinois laisse à penser que la Bretagne a des arguments à mettre en avant face à l’empire du Milieu. « Les fermes chinoises se situent près des villes. Chaque extension de mégapole détruit donc ces sites de production. Vous avez entre les mains plus que vous croyez. En ayant une stratégie de segmentation, sachez mettre en avant vos productions, comme une viande de porc de qualité supérieure qui fait vivre plus longtemps ou un lait de vache de haute qualité grâce au crachin breton. Si 15 % du chiffre d’affaires de viande porcine est réalisé par de la marchandise 25 % plus cher, un énorme pas sera franchi. Mais il faut pour cela saisir les finesses d’un marché.
La mondialisation rend les échanges de produits de commodité plus difficiles. Pourquoi ne recensez et n’interrogez-vous pas les Bretons expatriés depuis plus de 20 ans en Chine, Inde, Indonésie ou États-Unis pour devenir leader sur certains segments ? Quand on est pionnier sur un secteur, la rentabilité arrive rapidement ». Ce à quoi Jakez Bernard, ancien président de Produit en Bretagne, répond que « c’est la Bretagne que l’on doit vendre à l’international. Il est impératif que tous les élus et les acteurs se mobilisent, car personne ne viendra à son secours. La Bretagne s’en sortira d’elle-même », conclut-il.