Le temps, sujet ancestral qui fait toujours parler. Le mois de juin particulier a des conséquences sur les cultures et la récolte d’herbe.
Les caprices de la météo se font sentir dans les champs. Avec des épisodes pluvieux, localisés, les cumuls de précipitation donnent du fil à retordre aux agriculteurs. Conjuguée à un faible ensoleillement, l’implantation des cultures se fait lentement et les maladies se développent sur bon nombre de végétaux. « La plantation a été compliquée et échelonnée. Les plantes ont moins bien poussé, nous enregistrons 10 à 15 jours de retard par rapport à une année normale », chiffre Thierry Foricher, technicien spécialisé en semence de pomme de terre sur le Grand Ouest chez Triskalia. « Ce retard a des conséquences sur une culture courte comme la pomme de terre, qui a un cycle de 90 à 120 jours. Difficile de combler le temps perdu ». Pire, l’humidité et les températures font exploser la pression de mildiou sur la solanacée, les producteurs doivent suivre avec attention les parcelles pour les protéger.
« Les interventions ne sont pas simples à caler. Les traitements, initialement prévus tous les 7 jours se resserrent à 5 jours. Fort heureusement, des fongicides à base de cymoxanil ont un effet rétroactif qui rattrapent la sporulation de 48 h », confie le technicien. Autre phénomène aggravant, la brume de mer qui accentue le climat humide, et est présente sur le littoral. « Il faut adapter sa stratégie de lutte à l’année, en alternant par exemple les matières actives, pour cibler les différentes souches de mildiou. Cette année est comparable à 2007, qui aura été formatrice : les vignes étaient également touchées par les maladies, une pénurie de produit s’était fait sentir. Pour cette campagne, nous avons pris les devants ».
Une situation maîtrisée par les producteurs, qui s’en tirent mieux que d’autres régions, comme la Beauce, où des parcelles entières ont été détruites par les inondations, ou encore « le secteur d’Amiens où les champs ne sont plus porteurs. La Bretagne est épargnée par ce phénomène, et les créneaux avec une végétation sèche et un délai d’une heure sans pluie restent possibles », complète Jean-Yves Abgrall, responsable du service technique chez Germicopa.
Averse provoque verse
Concernant les céréales, la pluie alourdit les épis, entraînant la plante vers le bas. « Dans certains secteurs, 60 mm d’eau sont tombés en une nuit. Sur blé, le stade pâteux était atteint, il n’y a donc pas d’effet sur le rendement. Cependant, les conditions à venir seront prépondérantes : un été humide favorisera la germination sur pied des céréales couchées », prévient Stéphanie Montagne, conseillère à la Chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine.
Les orges semblent avoir passé entre les gouttes, car déjà à un stade physiologique plus avancé et par une utilisation de régulateur de croissance plus répandue que sur blé. « Peu de producteurs régulent leurs blés. Ce phénomène de verse n’a été que peu observé ces dernières années ». La récolte des premières céréales a déjà démarré en Loire-Atlantique, les chantiers débuteront « dès que 4 à 5 jours consécutifs de beau temps apparaîtront », pense Jérémy Guil, conseiller en agronomie à la Chambre d’agriculture.
Pas un mois pour le foin
Chez les éleveurs, la récolte de l’herbe a été contrariée par ce ciel gris. « Juin n’a pas été un mois pour le foin, sans réelles fenêtres météo favorables. Certains producteurs ont été contraints de faucher sous la pluie. En cas d’absence de précipitations, le faible ensoleillement n’a pas permis de sécher correctement l’herbe. Beaucoup ont choisi d’attendre un créneau propice à la récolte, avec des foins plus fibreux, perdant forcément au passage de la valeur alimentaire. La récolte en ensilage est aussi une solution adoptée par d’autres, qui se contentent d’un jour et demi de temps sec pour démarrer les chantiers », explique Aurélien Le Ray, en charge de l’animation et technicien herbe au Cedapa.
Petite consolation tout de même pour les éleveurs, « les conditions poussantes, même dans le sud 35, qui continuent à rendre productives les pâtures. Sur l’Ille-et-Vilaine, le pâturage est le plat unique de beaucoup de laitiers du 15 avril au 30 juin, date à laquelle le silo de maïs est réouvert. Cette année, cette réouverture se situera probablement autour de la mi-juillet, soit 15 jours de gain sur le stock fourrager », espère-t-il. Le foin de qualité médiocre servira à alimenter les génisses, la bonne herbe, riche en valeur alimentaire, a été récoltée en mai.
Difficile désherbage mécanique
Les conditions humides n’ont pas facilité le désherbage mécanique de certaines cultures. Pour le maïs, un premier créneau a été possible fin mai. Bien souvent, les producteurs pensant réaliser un binage au stade 8 feuilles du maïs ont été contraints d’avoir recours à un rattrapage chimique par la suite au vu des conditions climatiques de juin, les adventices déracinées étant reparties. Pour une action efficace de la bineuse, 2 à 3 jours de temps sec sont nécessaires. Même si les maïs ont atteint 10 feuilles, stade limite du binage, il est toujours possible d’intervenir. La seule espèce à tirer son épingle du jeu serait le ray-grass semé sous couvert qui va, épandu à la volée, germer facilement dès que les graines seront en contact avec le sol, même sans travail de la terre.Pauline Courtey, Animatrice agronome à la Chambre d’agriculture des Côtes d’Armor