L’Inde, un pays à surveiller

agriculture-inde - Illustration L’Inde, un pays à surveiller
Lorsque l’on s’intéresse à l’Asie sur les marchés agricoles, la Chine focalise toutes les attentions. Avec 1,3 milliard d’habitants, l’Inde est pourtant le second pays le plus peuplé au monde, et ne démérite pas face aux 1,4 Md de Chinois.

L’Inde apparaît peu dans les échanges mondiaux, cultivant depuis Indira Gandhi et le lancement de la révolution verte en 1967, une volonté d’autosuffisance alimentaire. Il existe donc un contrôle des échanges, avec des importations et des exportations épisodiques servant à équilibrer le marché intérieur de nombreux produits agricoles. Le pays a aussi fait de sa politique agricole, une politique sociale, entendant conserver un modèle familial et rural permettant de limiter l’afflux des Indiens dans les bidonvilles urbains. Mais l’exercice a ses limites, et la croissance démographique est telle (+20M hab/an) que l’offre locale pourrait ne pas suffire dans les prochaines années, notamment face au changement climatique. Deux exemples illustrent ce défi : le lait et le blé.

Lait, autosuffisant jusqu’à quand ?

L’Inde est le premier producteur mondial de lait (140 M t en 2015 contre 50 M t en 1991). Le pays compte deux fois plus de fermes que l’Union européenne (UE), son modèle économique restant très traditionnel. La croissance démographique et l’élévation du niveau de vie entraînent des besoins en lait très élevés, celui-ci étant une source de protéines importante pour des consommateurs essentiellement végétariens. Cela entraîne le pays dans une course contre la montre, l’obligeant à décider en 2010, de doubler sa production sur 12 ans. Le défi est de taille.

La croissance de la production laitière en Inde est supérieure à celle de l’UE 28 (+18 M t de 12/13 à 14/15 contre +9 M t pour l’Union européenne) et cette progression est aussi très régulière (+4-5 %/an depuis 1970). Mais bien que le cheptel s’agrandisse régulièrement et que la productivité augmente, la production reste très dépendante des conditions climatiques. Lorsque la mousson n’est pas au rendez-vous, les vaches et les bufflonnes qui ne se contentent bien souvent que de brouter les bas-côtés des chemins et de fouiller les poubelles, voient leur productivité déjà faible, diminuer dangereusement. Car en Inde, la culture fourragère est très faible, l’enjeu étant d’abord de nourrir les hommes.

Les éleveurs achètent occasionnellement des coproduits des principales cultures (maïs, riz), et rarement des aliments composés. Le déficit structurel de fourrages n’est cependant pas une fatalité, car le pays possède des terres disponibles sans concurrencer les autres productions. Cependant, l’eau reste un enjeu majeur et les moussons semblent de plus en plus capricieuses. Difficile donc de savoir si l’Inde arrivera à long terme à tenir ses objectifs d’autosuffisance laitière. Au cas où cela ne se produisait pas, elle devra ouvrir un peu ses frontières, tout en évitant de déstabiliser un marché intérieur à l’abri des remous internationaux.

De l’exportation à l’importation en blé

ble-inde

Au cours de la saison 15/16, le pays a perdu 10 M t de blé, suite à une très forte sécheresse. La situation a été gérée grâce au déstockage de réserves gouvernementales et les importations ont été taxées à 25 % pour éviter de casser le marché intérieur. Pour 16/17, la mousson est encore déficitaire à ce jour, et les premières estimations de la future récolte (janvier) sont révisées à la baisse. Si la production devait diminuer en deçà de 85 M t, le pays ne pourrait pas faire l’économie de fortes importations. Pour le moment, l’USDA table sur 2 M t, mais le marché envisage jusqu’à 5 M t. En effet, si la production indienne reste sur une tendance haussière, la demande progresse plus vite et le ratio stocks/consommation est en chute libre (Cf. schéma).

Rappelons que l’Inde a longtemps été une exportatrice nette de la céréale. Or sur le long terme, elle pourrait pointer au club des importateurs régulièrement. En effet, la salinité des sols, des semences de moins en moins performantes et la concurrence des autres cultures comme le maïs, les pois ou les oléagineux, demandant moins d’eau, font reculer régulièrement la production de blé.

Le grignotage des terres par l’urbanisation est aussi un problème. Le changement climatique est aussi mis en exergue avec des températures plus chaudes en mars-avril, la période de remplissage des grains. Avec une population en constante augmentation et des stocks qui se réduisent chaque année, la situation de dépendance peut devenir préoccupante. Une grande réflexion sur une politique agricole (soutien, formation, etc.) est en cours. Le Premier ministre indien a d’ailleurs annoncé le lancement, le 1er avril 2016, d’un grand plan d’assurance-récolte. 

Opportunités en vue

Si le monde entier fait les yeux doux à la Chine, il paraît important de ne pas perdre de vue la deuxième locomotive mondiale. L’Inde reste un enjeu important pour les futures années, car le pays reste limité par un modèle agricole peu productif, et pourrait être rapidement rattrapé par des réalités climatiques adverses. L’Inde pourrait ne pas faire l’économie d’importations plus importantes de blé, de protéagineux ou encore de lactosérum dans les prochaines années. Une veille agricole reste essentielle pour anticiper un éventuel tournant dans les échanges concernant ce pays-continent. Rappelons-nous de l’entrée fulgurante du pays sur le négoce mondial de la viande en 2010 et de sa place de leader aujourd’hui, devant le Brésil… Cette fois, nous aurions plus à y gagner qu’à y perdre.


Fermer l'écran superposé de recherche

Rechercher un article