Des exploitations créatrices d’emplois

champs-lait-holstein-eglise-paysage - Illustration Des exploitations créatrices d’emplois
L’emploi, induit de manière directe ou indirecte par l’activité agricole, fait vivre le territoire.

L’emploi est au cœur de toutes les préoccupations. La Bretagne a su développer une activité économique principalement tournée vers l’agriculture et l’agroalimentaire pourvoyeuse d’emplois, avec près de 3,5 emplois induits pour 50 ha. « Mais demain, quels seront les emplois dans nos territoires ruraux ? » Telle est la question qu’a voulu explorer le bassin versant de la Haute Rance cette année à travers une série de conférences. Le projet de territoire, qu’il a élaboré en 2013, se base sur la triple performance économique, sociale et environnementale au niveau local. L’agriculture y a toute sa place.

Outre les emplois possibles sur les exploitations générés avec l’activité agricole ou les productions annexes, c’est toute l’économie locale qui bénéficie de cette dynamique. Le premier thème abordé lors de ce cycle de conférences, intitulé « Des exploitations agricoles durables intensives en emploi » a été illustré par trois témoignages d’agriculteurs entrepreneurs, le 1er juin, à Landujan (35).

Chercher la valorisation

Installé en 2004 à Montreuil-le-Gast (35), sur une exploitation laitière de 55 ha, Yves Simon ne souhaitait pas rester seul sur son exploitation. « Dès mon installation, j’ai marqué noir sur blanc ce que je ne voulais pas faire. Je garde cette ligne directrice. Par contre, je voulais ouvrir les portes de mon exploitation, aller vers les autres et être maître de mon destin… », explique-t-il. Sur l’EARL de la Janaie, exploitation familiale autonome en production fourragère, conduite en agriculture biologique depuis 1998, il s’est consacré à la transformation de produits laitiers ultra-frais, après une formation « nécessaire », pour se lancer dans cette nouvelle activité.

« Après une installation à 80 000 €, j’ai investi 60 000 € dans le laboratoire de transformation, pour ne dégager qu’un Smic au bout de trois ans de galère », rapporte-t-il. Aujourd’hui, l’exploitation n’a pas évolué en surface. La production laitière (500 000 L) est optimisée par les surfaces, avec 8 000 L produits/ha et plus de 50 % sont transformé. Le tout est possible avec un effectif de 10 ETP (Équivalents temps plein), dont 2,5 sur l’atelier d’élevage. Il pilote son outil de travail. « J’ai une comptabilité analytique, les deux ateliers (élevage/transformation) doivent être rentables : il faut travailler sur le coût de production, la valorisation, les prix de vente ».

Ses 10 années d’expérience lui ont permis d’établir des tableaux de bord, pour un suivi régulier et ne pas attendre un an pour réagir, après le retour de sa comptabilité. Aujourd’hui, 1 million d’euros a été investi dans la transformation. « L’outil doit tourner, car j’ai une responsabilité réciproque envers mes salariés », insiste-t-il. La grande partie du travail c’est la commercialisation. « Ce n’est pas un dû. Il faut toujours aller chercher des clients, et réclamer le solde des factures… » Il consacre aussi beaucoup de temps dans de nombreuses actions collectives de commercialisation génératrices, elles aussi, d’emplois.

Une dynamique territoriale autour d’un projet collectif

Autre exemple avec un groupe de 7 producteurs mayennais qui a créé un GIE de collecte en 1994. Ils ont été confrontés à l’inadéquation entre l’offre et la demande en lait bio en 2003. « Le GIE servait alors de variable d’ajustement pour les laiteries », témoigne Marc Belouard, agriculteur à Craon (53). Ils se sont mis à réfléchir sur la transformation et la commercialisation de leur lait, en créant la coopérative Bio du Maine, dont il est le vice-président. « On a créé une émulsion autour de ce projet et boosté les installations sur le secteur ».

S’ils ont démarré en 2010 avec 30 producteurs, ce sont 46 exploitations qui livrent la structure assurant 18 emplois. « Le projet se construit sur le long terme ». Si l’objectif était de transformer 25 % des 10 millions de litres en 5 ans, ils en sont à 10 %. 2016 permet d’atteindre l’équilibre économique de la structure, en valorisant le lait à 445 €/1 000 L. « Quand on est petit, il faut se différencier. Nous travaillons donc sur la qualité, pour un produit au lait cru, avec un projet d’élaboration de cahier des charges. » Les perspectives commerciales sont nombreuses, et nécessitent d’investir dans de nouveaux locaux pour y répondre.

Des compétences entrepreneuriales à valoriser

Agriculture biologique, conventionnelle, circuit court, circuit long… Ce n’est pas un type de système de production qui porte les projets créateurs d’emplois. Ces innovations, qu’elles soient in-
dividuelles ou collectives, ne sont possibles que grâce aux compétences humaines entrepreneuriales, masquées par manque d’opportunité ou insoupçonnées parfois. Et qui ne demandent qu’à se dévoiler…

De nouvelles compétences à mobiliser
Être employeur requiert de nouvelles compétences à différents niveaux : des savoirs, des savoir-faire et des savoir être. Le droit du travail et les évolutions réglementaires deviennent un nouveau dossier à maîtriser ou à déléguer à une personne ressource. Avant toute embauche, il faut analyser et définir ses besoins en main-d’œuvre, recruter, organiser l’accueil du nouveau salarié, planifier le travail et la répartition des tâches de chacun… Et d’agriculteur on devient aussi un animateur qui mène des réunions d’équipe, qui passe des consignes claires et précises et qui sait déléguer certaines missions. Il faut adopter une position de communiquant : savoir s’affirmer tout en restant à l’écoute, être prêt à gérer des conflits et rester crédible en adoptant un style de management qui correspond à sa propre personnalité. Hélène Paris, Conseillère formation, Chambre d’agriculture des Côtes d’Armor


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