Les biocarburants comme élément de régulation ?

biocarburant - Illustration Les biocarburants comme élément de régulation ?
Certains analystes réfutent l’idée de concurrence entre production alimentaire et production de biocarburants de 1re génération. Produits à partir de cultures destinées traditionnellement à l’alimentation, ces derniers pourraient servir à lutter contre l’hypervolatilité des cours.

La plupart des marchés agricoles sont tour à tour gagnés par la fin du super-cycle des matières premières et plongent dans la crise. Pour les agriculteurs des pays les plus connectés avec les échanges internationaux, réhabiliter les politiques de promotion des biocarburants et miser sur leur flexibilisation pour contribuer à la stabilisation des prix s’avèrent plus que jamais indispensable.

Suffisamment de terres cultivables ?

L’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) vient de publier une étude financée par le Département américain de l’énergie qui vise explicitement à montrer le potentiel des biocarburants pour résoudre les problèmes de malnutrition. Et ainsi sortir du débat stérile opposant sécurité alimentaire et biocarburants, souvent résumé par la formule « food vs. biofuels ». Ce rapport, rédigé par des spécialistes des biocarburants et des politiques énergétiques et environnementales, propose une analyse basée sur les 4 dimensions de la sécurité alimentaire (disponibilité, accessibilité, stabilité et utilisation) pour démontrer qu’il faut arrêter de faire des biocarburants le bouc-émissaire facile de la faim dans le monde et des crises alimentaires de 2008.

Il rappelle que les surfaces cultivables ne sont pas un facteur limitant au développement des productions alimentaires et énergétiques. De plus, si les prix agricoles ont largement reflué depuis leur pic de 2008, la production de biocarburants n’a pas diminué depuis, ce qui tend à remettre en cause les analyses qui accordaient aux biocarburants une responsabilité majeure dans la flambée des prix.

Brésil et États-Unis ajustent les surfaces

Outre les débouchés supplémentaires et l’approvisionnement en énergie pour les communautés locales, le rapport insiste sur une évidence trop souvent ignorée : « les baisses de prix sont plus dommageables à la sécurité alimentaire que les pics temporaires car elles sont nocives aux infrastructures et aux investissements dans les chaînes de valeur locales, car plus de 70 % de la population mondiale souffrant de la faim peuplent les zones rurales et, car enfin, les baisses de prix catalysent les migrations des zones rurales vers les zones urbaines, ce qui peut nuire à terme aux capacités de production ». Dit autrement, « des prix relativement stables et prévisibles pour l’alimentation et l’énergie sont essentiels pour la sécurité alimentaire ».     

Prenant exemple sur les États-Unis et le Brésil où une certaine flexibilité des politiques de soutien aux biocarburants a été introduite, le rapport rappelle l’intérêt de disposer de marge de manœuvre pour adapter les mesures afin de trouver des « débouchés aux surplus ». De la sorte, il tend à réhabiliter les biocarburants de première génération (ceux produits à partir de cultures destinées traditionnellement à l’alimentation), ceux dont la valorisation peut être ajustée en fonction des demandes alimentaires et non alimentaires.

Outil contre l’hypervolatilité

En définitive, pour Momagri, ce rapport constitue une base solide pour faire émerger un débat plus rationnel sur les biocarburants, débat qui devrait à terme conduire à considérer, à nouveau, les politiques de promotion des biocarburants comme des politiques agricoles à part entière. Rappelant que 8 % de la production de céréales est utilisée pour faire des biocarburants, et qu’un décalage de 2 à 3 % de la production par rapport à la consommation, en plus ou en moins, suffit à faire plonger ou flamber les prix. En augmentant l’élasticité de la demande en produits agricoles, la flexibilisation des mesures encourageant la production de biocarburant est un important levier pour lutter contre l’hypervolatilité des cours et ses effets négatifs au Sud comme au Nord. Frédéric Courleux / Think Tank Momagri


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