Les allées du Space regorgeaient d’idées innovantes, où les nouvelles technologies répondent aux demandes agricoles. Avec parfois de belles histoires à la clé pour des projets portés par des agriculteurs à l’exemple de deux aviculteurs mayennais.
Nouvelles technologies, géolocalisation, big data… Des mots à la mode, mais sont-ils si éloignés de la production agricole ? Pas pour Laëtitia et Benoît Savary, éleveurs de poules pondeuses reproductrices à Bouchamp-les-Craon (53). Pousser les poules du dessous des assiettes pour leur montrer le chemin des pondoirs est un apprentissage difficile qui peut s’étaler sur cinq semaines.
Une tâche nécessaire — car elle peut engendrer 25 à 40 % de perte à chaque début de lot — mais fastidieuse pour les éleveurs à raison de deux passages par heure dans les bâtiments. Lassé de dompter ses gallinacés en faisant 8 km de marche par jour, le couple d’éleveurs s’est trouvé confronté à un choix difficile il y a deux ans. Arrêter une production qu’ils aimaient, faire l’autruche et aller jusqu’au burn-out ou trouver une solution ? « Si les robots fonctionnent sur Mars, pourquoi pas dans nos poulaillers pour nous libérer du temps pour des tâches plus intéressantes à plus forte valeur ajoutée ? », s’interroge Benoît Savary.
[caption id= »attachment_22633″ align= »aligncenter » width= »800″] Laëtitia et Benoît Savary, aviculteurs en Mayenne, ont délégué la phase d’apprentissage de la ponte des poules repro dans les pondoirs à Ti One, un robot autonome d’assistance, dont ils sont à l’origine de la conception.[/caption]
Un projet porté par des éleveurs
Après divers contacts, il a rencontré des responsables d’un bureau d’étude spécialisé en mécanique et électronique à l’écoute de son projet. « C’était pour nous un défi technologique dans un univers qui nous était inconnu », précise Lionel Planquette, un des gérants de cette société Cimtech à Bourgbarré (35).
Le bien-être de l’éleveur avant tout
Une étude menée dans la filière a montré que la problématique était récurrente dans tous les élevages de poules reproductrices. Pour y répondre, ils se sont lancés dans la conception d’un robot autonome d’assistance, baptisé Ti One. Muni d’un système de géolocalisation indoor avec une précision de 10 cm, il détecte les obstacles. Et pousse les poules dans les couloirs. L’objectif premier est atteint. « Dans ce projet, le bien-être de l’éleveur, domaine où les normes sont absentes, prévaut sur celui de l’animal, même si ce dernier n’a pas été oublié… », ajoute Benoît Savary.
Le robot est aussi équipé d’un système de grattage de la litière, assurant un effet asséchant pour entretenir et optimiser la consommation de celle-ci. Outre cet aspect, de par son bruit, la lumière et le mouvement, l’automate anime le lot, augmentant la fertilité des poules. Et demain, un module permettra aussi de ramasser les œufs pondus au sol (pouvant aller jusqu’à 300 œufs en pic de ponte) pour limiter les pertes économiques. Il est actuellement en phase de test. Cet outil peut aussi capter de nombreuses informations sur l’ambiance du bâtiment, avec des données, jusqu’à présent peu collectées à hauteur des animaux, qui intéressent les organismes de conseil. Un nouvel axe de développement possible même si la notion de réduction de la pénibilité de cette tâche pour les éleveurs reste l’objectif principal de cette innovation.
D’agriculteur à ambassadeur
Ce projet a abouti il y a quelques mois à la création d’une société Tibot, où les parts sociales sont partagées à parité entre les deux éleveurs et les deux associés du bureau d’étude, pour commercialiser dans les prochains mois leur robot, « à un prix accessible pour tous les producteurs », insiste Benoît Savary, devenu ambassadeur de son robot. Pour cela, l’outil restera simple, au design épuré avec des modules essentiellement fonctionnels en élevage. C’est la volonté des éleveurs-concepteurs. Cette innovation issue d’une idée du terrain pour les autres producteurs de la filière a séduit le jury des Innov’Space en lui décernant la plus belle récompense de 3 étoiles.
Travailler main dans la main On travaille avec différents secteurs d’activité où le client apporte une problématique de filière le plus souvent. Chose inhabituelle, l’affectif s’est greffé rapidement dans ce projet agricole, au-delà de la relation client-fournisseur. Des éleveurs au groupement, tout le monde s’est investi dans le développement de cette nouvelle idée. L’attente était forte. On s’est vite pris au jeu. C’était un véritable défi pour nos équipes, pour s’approprier de nouvelles technologies qu’on ne maîtrisait pas. L’élevage a besoin que les ingénieurs s’intéressent à eux. Et sans les éleveurs, nous serions peut-être passés à côté de la cible…Lionel Planquette, gérant Cimtech à Bourgbarré (35)