Retard à l’enlèvement : les dindes stockées sur pattes

dinde-retard-enlevement - Illustration Retard à l’enlèvement : les dindes stockées sur pattes
L’augmentation des mises en place en dinde ces derniers mois, cumulée à une hausse des importations, met les éleveurs dans une situation plus que difficile. Des femelles sont encore dans les élevages à l’âge où devraient partir les mâles, les performances techniques et le revenu des éleveurs risquent d’être fortement impactés.

Retard à l’enlèvement et pics de chaleur ne font pas bon ménage en production de dinde. Depuis quelques semaines, les délais d’enlèvement pour abattage s’allongent pour les éleveurs de certaines organisations de production (OP). « La problématique s’accentue ces derniers temps mais le phénomène est latent depuis le mois de janvier. Le point de départ est l’Influenza aviaire et l’impossibilité pour les couvoirs français d’exporter les œufs à couver. Ils se sont donc rabattus sur les OP en France pour les commercialiser. Le problème est que ces OP ont mis en place des dindonneaux sans en avoir les débouchés et ils se retrouvent aujourd’hui à brader de la dinde », analyse un intervenant de la filière.

La conséquence : beaucoup d’offres sur un marché peu dynamique, les animaux restent donc dans les élevages. « Tout le monde se retrouve pénalisé y compris les organismes qui ne mettent en place que lorsqu’ils ont les débouchés en face », constate un responsable volaille d’une coopérative agricole.

Une situation dramatique

La situation actuelle est jugée dramatique pour la filière. La preuve : « Nous faisons des enlèvements de mâles âgés de 24 semaines voire plus ces derniers jours », témoigne le gérant d’une entreprise de ramassage de volailles. « En temps normal, les femelles partent à l’âge de 13 semaines et les mâles à 18 après un détassage à 17 semaines. J’ai en ce moment dans un poulailler des femelles de 18 semaines. On m’a enlevé 1 500 femelles de ce bâtiment à 15 semaines qui ont été envoyées dans un autre poulailler ne m’appartenant pas. Les conséquences sont dramatiques pour nous les éleveurs. Les indices de consommation explosent. Les animaux trop tassés se griffent ce qui engendre de la mortalité et des saisies à l’abattoir. Nous atteignons 5 % de saisies en femelles alors qu’habituellement on est en dessous de 1 %. La courbe de croissance des mâles est lourdement pénalisée puisque les femelles ne partent pas et que les animaux sont trop tassés. À cela on ajoute les coups de chaleur de cet été qui entraînent de la mortalité supplémentaire », confie un aviculteur breton.

Nous faisons des enlèvements de mâles âgés de 24 semaines voire plus ces derniers jours.

Un autre éleveur se dit soulagé de voir ses mâles partir à 21 semaines après avoir longtemps insisté auprès de son intégrateur. « Les 4 dernières semaines les dindons étaient très nerveux, agressifs entraînant de la mortalité avec des cardiaques et des pattes cassées. Ils m’ont aussi détérioré beaucoup de matériel dans le poulailler. »

Des importations de Pologne et d’Espagne

Comme si ce n’était pas suffisant en ces temps difficiles pour les éleveurs de dinde, on entend parler d’importations de Pologne et d’Espagne. Un phénomène qui amplifie la problématique d’augmentation de la durée d’élevage. « Un industriel de la volaille en France faisant son cheval de bataille la reconquête du marché intérieur alimenté par de la volaille importée se serait tourné vers des approvisionnements en dinde polonaise pour fournir ses usines de transformation », indique un acteur de la filière. Les abattoirs possédant un atelier de découpe seraient aussi moins demandeurs en dinde française préférant alimenter ces derniers avec de la dinde entière en provenance de Pologne.

« La Pologne inonde le marché, ils sont autosuffisants à 190 %. Ces dernières années, il était plus rentable aux éleveurs de produire de la dinde que du poulet. Mais entre 2015 et 2016 le prix de vente de la dinde a chuté de 20 % ce qui nous pousse à imaginer que tout devrait se réguler dans les mois qui viennent », constate Serge Le Moullec, vice-président de la section avicole à la FDSEA 56. La situation actuelle reste malgré tout critique et risque d’impacter lourdement les résultats techniques et les revenus des éleveurs pour l’année en cours. Difficile alors de motiver des jeunes éleveurs à s’installer en dinde à l’heure où le renouvellement des générations et du parc bâtiment devient une urgence.

L’inorganisation de la filière
Suite à l’épisode d’Influenza aviaire, des surfaces de bâtiments en poulet se sont libérées. Certains en ont profité pour mettre en place des dindonneaux et continuer à vendre de l’aliment sans se soucier de savoir si le marché serait porteur à l’automne.
La situation actuelle en production de dinde va faire des dégâts chez les éleveurs. Il n’est pas normal de faire du stock sur pieds. Les indices de consommation augmentent avec des animaux qui mangent et ne prennent pas de poids. Cela génère aussi plus de travail et de stress pour l’aviculteur qui sait très bien que sa rémunération diminue fortement lorsque les dindes ne partent pas à l’abattoir.
C’est alors une année complète qui se retrouve plombée. La sagesse aurait voulu que les animaux soient abattus et stockés en frigo plutôt que dans les élevages. Cette situation nous fait remettre le doigt sur l’inorganisation de la filière. Didier Goubil, Président du groupe de travail avicole de la Chambre régionale d’agriculture


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Un commentaire

  1. LE COZ

    Il y a malheureusement des spécialistes éleveurs de dindes qui sont effectivement les dindons de la farce mais qui ne le seront peut-être plus longtemps… « On peut rire de tout… Mais pas avec tout le monde » pierre DESPROGES

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