Isabelle et Emmanuel Coué, du Gaec Coué-Médard à Maure-de- Bretagne (35), s’intéressent tout autant aux génétiques Normande que Prim’Holstein, une passion transmise par leurs parents. Leurs « belles vaches » les aident « un peu » à supporter le contexte économique très difficile.
Sur l’élevage Coué-Médard, Normandes et Prim’Holstein ont toujours cohabité. En 1982, dans le cadre d’un plan de développement laitier, Chantal et Jean-François avaient acheté un troupeau de « Noires » pour compléter le cheptel normand. Les proportions ont ensuite évolué jusqu’à 75 % de Normandes dans l’effectif. Mais en 2009, à l’installation de leur fils Emmanuel, qui a repris le troupeau (45 vaches et la suite) Prim’Holstein du sélectionneur Jeannot Ropert à Mernel (35), le ratio s’est équilibré à nouveau.
« Avec deux races, l’alimentation est une question très compliquée, surtout concernant la complémentation », avoue Emmanuel. « Nous utilisons donc des aliments différents : la Normande a besoin de davantage de protéines, d’azote soluble », reprend sa sœur, Isabelle, qui a travaillé comme technicienne en nutrition animale avant de rejoindre la ferme. En septembre, l’installation du Dac va faciliter cette différenciation des régimes pour les 120 vaches à la traite et mettre fin la distribution personnalisée à l’auge réalisée par Emmanuel.
4 points de TP de plus en Normande
Malgré ces petites complications dans la conduite d’élevage, les éleveurs continuent « d’apprécier les atouts de chaque race ». Mieux, ils disent « s’y retrouver » dans les deux. Chez les Normandes, Isabelle et Emmanuel aiment sans surprise « sa très bonne valorisation du lait par les taux », mais aussi « sa moindre sensibilité aux problèmes métaboliques ». Ils comparent : « En moyenne 2 800 kg de lait produits en plus en faveur des Prim’Holstein, mais plus de 4 points de TP et 2 points de TB pour la Normande… Pour l’âge au premier vêlage, avantage aux Noires à 25,5 mois contre 29 mois pour les Normandes même si on tend à le réduire en étant plus technique dans la conduite d’élevage. »
Gagnante, Image et Imposante au Space ?
En 2010, quand elle a décroché le titre de meilleure fromagère au département, il avait été calculé qu’elle produisait l’équivalent de 13,5 camemberts par jour. » « Morphologie, mamelle, aplombs, production… » Pointée 92 points, la primipare Image (Egypte x Uvray x Néphélion) est l’autre candidate. « Sa mère a donné plus de 11 000 kg en 2e lactation. Image descend d’une souche que nous devons travailler. » En Prim’Holstein, Imposante (Lavanguard x Roumare x Bolton) devrait aussi fouler le ring du concours. « Une 2e lactation productive qui a du style, du chic. Une très belle encolure, une bonne ouverture de côte, une jolie mamelle fonctionnelle et bien irriguée… »
Semence sexée pour pouvoir trier les femelles
Dans le choix des taureaux, les jeunes éleveurs sont « très vigilants » sur les aplombs. « En particulier en Nor-mande où nous faisons très attention à l’angle du jarret. » Ils s’efforcent de « travailler les pattes » pour que les vaches aillent dormir sans problème dans les logettes. Les index liés à la production et la qualité des mamelles sont également regardés de près « car il y a une référence laitière à faire ! ».
Par contre, pour les Prim’Holstein, le lait n’est pas la priorité dans les accouplements. « Une Noire, si tu la complémentes correctement, elle bouillonne naturellement le lait », explique Emmanuel Coué. « Là, on s’attarde davantage sur la morpho, le pis et les taux. » Toutes les génisses sont inséminées en semence sexée dans les trois races (Prim’Holstein, Normande et Blonde d’Aquitaine). « L’idée est bien sûr d’obtenir des femelles de génisses pour aller plus vite dans l’amélioration génétique et avoir l’opportunité de trier les animaux qui nous plaisent ». À terme, les associés pensent revendre des vaches. Alors que dernièrement, suite à l’installation d’Isabelle en 2015 et la rallonge de référence laitière, ils étaient acheteurs.
[caption id= »attachment_22013″ align= »aligncenter » width= »800″] Gagnante et Image, présélectionnées pour le Space. Leurs propriétaires Emmanuel et Isabelle Coué sont accompagnés de Mathieu, 14 ans, originaire de la région parisienne, qui aime passer ses vacances à la ferme.[/caption]
Les concours pour changer d’air
Concernant les concours, Isabelle et Emmanuel aiment participer dans les deux races. « En général, nous participons chaque année au Space avec l’une ou l’autre. Sans distinction, nous aimons présenter et voir de belles vaches dans les deux cas. Cette fois-ci, pour la première fois, nous avons des animaux présélectionnés en Normande et en Prim’Holstein. » Dans tous les cas, Emmanuel s’occupe de les entraîner à la marche. Ensuite, reste à choisir celui ou celle des deux passionnés qui conduira les candidates sur le ring. « Ça dépend du feeling de chacun. Nous avons des caractères différents et donc des affinités différentes avec chaque animal. Emmanuel présente les plus têtues… », plaisantent-ils. Avant de reprendre leur sérieux : « Cette passion de l’élevage et de la génétique nous motivent à traire le matin et nous aident à passer ce cap difficile. »
Dans un contexte laitier dégradé depuis des mois, comme de nombreux éleveurs actuellement, les deux jeunes avouent naviguer à vue financièrement pour absorber le prix des reprises de leurs installations datant de 2009 et 2015. « C’est difficile de voir que nos conjoints qui travaillent à l’extérieur font vivre nos familles et que nos parents associés à l’approche de la retraite doivent puiser dans leurs réserves personnelles… » Le déplacement au Space sera, malgré tout, une belle opportunité de se changer les idées, de prendre un bon bol d’air… de la ville.