Très chahutée par le contexte des échanges internationaux sur les 20 dernières années, la filière avicole de chair a plutôt mieux traversé la crise actuelle que les autres filières d’élevage françaises.
La filière avicole n’a eu de cesse de s’adapter, non pas à un cycle économique récurrent mais à un ensemble d’événements extérieurs auquel il a fallu, tant bien que mal, faire face. Et c’est actuellement contre la grippe aviaire que la filière doit à nouveau se battre.
Les évolutions erratiques des performances économiques en élevage :
- 1994, signature des accords de Marrakech : c’est la fin d’une période dynamique pour l’aviculture bretonne et française. Les soutiens aux exportations se réduisent et sur cette fin de décennie, la consommation intérieure, jusqu’alors dynamique se stabilise. L’impact sur la filière est alors, heureusement pour une part, contrecarré par la crise de l’ESB (maladie de la vache folle) : la viande de volaille bénéficie d’un fort report de consommation.
- En 2001, les résultats avicoles se redressent nettement. La période qui suit est nettement plus défavorable à la production : la filière française est affaiblie, concurrencée à l’export par des filières émergentes plus compétitives. Le Brésil et la Thaïlande sont alors les plus offensifs sur les marchés traditionnels des exportations françaises.
- En 2007-2008, la flambée des matières premières et du coût alimentaire affecte les productions « hors-sol » ; contre toute attente, la filière volaille tire son épingle du jeu, les producteurs obtenant des revalorisations de leurs contrats.
- S’ensuivent les années 2010 à 2012 au cours desquelles la production nationale ne cesse de diminuer, les importations de gagner du terrain. Les producteurs bretons, moins nombreux, bénéficient malgré tout d’une amélioration de leur résultat courant.
- 2013 sonne la fin définitive des restitutions à l’exportation. La Bretagne, particulièrement présente sur les marchés pays tiers avec la filière poulet léger, est déstabilisée et d’aucuns la condamnent déjà.
Des prévisions contredites
Deux ans plus tard, la filière poulet export résiste. Un certain équilibre de production semble s’établir : la faiblesse du taux de change aidant, les marchés pays tiers ont pu être conservés, les performances des filières standard et poulet lourd progressent. Le Brésil ne fait plus si peur, il a trouvé ses propres marchés ; la concurrence est désormais davantage au sein de l’Europe, la Pologne ayant ravi à la France sa place de premier producteur européen. La filière bretonne de la dinde est finalement la plus exposée, souffrant d’une érosion régulière de la consommation.
2016 : nouvelle attaque sanitaire
Dans ce contexte de rééquilibrage de la production, les marges brutes de la fin d’année 2015 étaient en progression quasi générales. Mais cette filière le sait peut-être plus que d’autres : rien n’est jamais acquis. Certains importateurs ont réagi à la grippe aviaire en fermant indistinctement leurs frontières aux produits avicoles. Le Brésil bénéficie de la dévaluation du réal et gagne en compétitivité. À nouveau les exportations de poulet léger sont pénalisées et par voie de conséquence, les vides en élevage s’allongent, les rémunérations sont en recul. À cela s’ajoutent les difficultés de Tilly Sabco Bretagne.
Les perspectives demeurent encourageantes à moyen terme
Malgré tout, la viande de volaille est celle qui bénéficie de la seule progression en termes de consommation. Le marché intérieur offre de réelles perspectives : il est à reconquérir car il est à ce jour capté pour près de la moitié par de la viande importée. C’est là le véritable défi des années à venir : la filière, dans son ensemble, doit gagner en compétitivité. Les bâtiments sont vieillissants, la pyramide des âges des éleveurs préoccupante : le renouvellement ou la modernisation des bâtiments requièrent des niveaux de marge brute plus élevés que jusqu’à présent.
Anne-Lucie Menier / Cerfrance Brocéliande