Avec des croissances à faire pâlir d’envie bien d’autres filières, le lait bio a la cote. Cependant, la régulation est essentielle pour les producteurs qui soulignent l’importance de s’impliquer dans l’aval.
La consommation de produits laitiers bio affiche une croissance spectaculaire, de l’ordre de 20 % en moyenne. Et cet attrait ne s’illustre pas seulement dans les magasins spécialisés bio, mais aussi dans les circuits classiques de distribution où les achats grimpent. « 10 % du lait vendu en grande surface est du lait bio », a chiffré Éric Guihéry, secrétaire lait de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab), lors d’un débat organisé dans le cadre du salon professionnel La Terre est notre métier.
« Depuis un an, le bio se développe énormément dans nos rayons crémerie. Pour les œufs et le lait, il représente environ 17 % des ventes. Sur l’ultra frais et le beurre, la part de marché est de 4 – 5 %, mais le potentiel est là. En fromages par contre, il ne pèse que 1 % de nos ventes », précise Éric Teillet du groupe Système U. « Le bio correspond aux attentes en termes d’environnement, de non OGM, de santé, de biodiversité. Et aujourd’hui, les consommateurs souhaitent aussi rémunérer les agriculteurs pour qu’ils puissent vivre de leur métier », note Marc Belhomme, de l’entreprise Triballat, engagée dans le bio depuis 1974.
« On ne connaît pas le potentiel du marché »
Le créneau est porteur, mais les producteurs ne souhaitent toutefois pas devenir victimes de ce succès. Certes, les agriculteurs bio ne pèsent que 5 % au niveau national, mais les conversions progressent : 560 depuis le début de l’année. Avec le risque comme en conventionnel de dépasser à terme la demande et de voir les prix chuter. Rappelons que sur 2016, le prix du lait bio se situe autour de 450 €/1 000 L, soit 150-170 € de plus qu’en conventionnel.
Pour accompagner l’essor du bio, s’impliquer dans les filières est un point essentiel mis en avant par de nombreux agriculteurs. « Nous ne souhaitons pas être des producteurs de minerai. Nous voulons faire partie intégrante de la filière, être acteurs du développement du bio », souligne Éric Guihéry. Des collaborations sont d’ores et déjà en route. Créée fin 2012, l’organisation de producteurs (OP) Seine et Loire rassemble 270 agriculteurs vendant leur lait en direct à six laiteries privées. « Nous souhaitons réunir un maximum de producteurs pour bâtir des relations sincères et durables avec nos laiteries. Nous ne partions d’aucun dialogue existant, il a fallu devenir un interlocuteur crédible », retrace Olivier Costard, producteur en Ille-et-Vilaine et administrateur de l’OP.
« Aujourd’hui, tout reste à bâtir. Il n’y a aucun indicateur pour la fixation des prix par exemple. Nous souhaitons trouver les bons outils pour que les producteurs connaissent le moins possible d’à-coups. » Développer la production de manière cohérente est aussi l’objectif des producteurs de lait bio d’Agrial / Eurial qui souhaitent fédérer les éleveurs en coopératives. « Nous devons obtenir des données plus précises sur les départs en retraite et les conversions », juge Daniel Fortin, l’un de ces producteurs.
Innover dans les collaborations
Pouvoir réguler les volumes est une attente des éleveurs bio. « En 2012, nous l’avons pratiqué. Une baisse de 5 % a été demandée, elle a en fait été de 10 %. Développer le fromage bio serait un bon moyen de stocker le lait », précise Christophe Baron, producteur dans le Morbihan et président de Biolait. Le groupement représente 1/3 des producteurs bio français, sur 70 départements, et environ 30 % de la collecte nationale. « Nous devons nous préparer à l’afflux de lait prévu pour 2018, mettre en place des outils pour être réactifs et efficaces », ajoute Olivier Costard. « Dans le même temps, il faut savoir se projeter sur 5 -10 ans. On ne connaît pas le potentiel du marché », notent certains responsables. « Imaginer 100 % de lait bio dans les rayons des GMS n’est aujourd’hui plus une utopie. »
Des matières premières 100 % françaises chez Biolait
Déconnecter le prix du conventionnel
« Mais garder un prix au producteur est toujours un sujet compliqué », fait remarquer Christophe Baron. « Nos prix étaient auparavant liés à l’offre et la demande. Depuis 2008, nous basons nos négociations sur les coûts de production. Nous voulons que le prix du bio soit déconnecté du prix du conventionnel. » De leur côté, les producteurs de l’OP Seine et Loire revendiquent dans leurs discussions « un revenu minimum basé sur 2 Smic, compte tenu des responsabilités et du travail important fourni. Nous souhaitons obtenir un prix régulier et rémunérateur. »
Des partenariats durables
Aujourd’hui, des enseignes de distribution se lancent dans le bio avec beaucoup de produits, le percevant comme une mode à l’image du végétarien, du « sans gluten »… Nous avons peur d’un coup de balancier. De notre côté, nous avons lancé le lait bio il y a 6 ans avec la mise en place de contrats au moins sur trois ans avec les producteurs. Dans nos collaborations, en conventionnel comme en bio, nous préférons instaurer des partenariats durables. Nos prix tiennent compte des coûts de production mais aussi du marché. On ne peut pas s’en éloigner complètement.Éric Teillet,Groupe Système U