Dernier syndicat à rejoindre l’interprofession laitière nationale, la Coordination rurale entend peser dans la politique laitière française. Interview de Véronique Le Floc’h, présidente de l’OPL.
La régulation est votre credo. Cette demande a peu d’écho à Bruxelles. Pourquoi défendez-vous cette idée coûte que coûte ?
Les errements du marché mondial ont d’énormes conséquences économiques, sociales et géopolitiques. L’enjeu, c’est l’autonomie et la sécurité alimentaire de l’Union européenne, et donc la sécurité et la santé de ses habitants.
Au niveau local, la dérégulation des productions ne profite ni aux agriculteurs ni aux consommateurs, seulement à une vision de court terme des grandes agro-industries et des enseignes de la grande et moyenne distribution. Les dégâts sur les campagnes sont terribles sur tous les aspects : économiques, sociaux, environnementaux, culturels, etc.
Vous soutenez la régulation mise en place par Bruxelles et soutenue par le ministre de l’Agriculture ?
Oui, mais pourquoi fallait-il attendre si longtemps. En septembre 2015, nous discutions de la répartition d’une première enveloppe de 500 millions. Comme le demandait l’Organisation des producteurs de lait (OPL), il aurait été pertinent de mettre en place le programme de réduction mais avec un malus pour dissuader certains de continuer à augmenter.
Aujourd’hui, le « succès » du plan illustre bien le désarroi et l’inquiétude qui a gagné les campagnes. 20 % des producteurs français se sont montrés intéressés. Ramené à l’exploitation, cela représente 14 000 litres. Nous regrettons simplement que ces mesures n’aient même pas aidé ceux qui ont fait les efforts depuis plus d’un an déjà. En revanche, ceux qui ont augmenté leur production, livré leur coopérative en volumes C à des prix autour de 40 à 50 €/t, eux pourront toucher 240 euros par tonne non produite.
Ce dispositif devrait toutefois aider à faire remonter les prix ?
La remontée des prix des produits industriels est en réalité bien davantage due à une baisse de production par insuffisance financière des exploitations laitières. C’est également vrai dans les autres pays européens et notamment en Allemagne.
Votre manifestation la semaine dernière à Carhaix, en parallèle de l’inauguration de l’usine chinoise, illustre-t-elle une volonté de repli qui vous apparaît salutaire à la production laitière locale ?
Nous ne sommes pas pour une fermeture des frontières même si nous sommes sensibles au droit des autres pays du monde à gérer souverainement leur alimentation.
Nous ne nous opposons pas à l’investissement étranger en France, mais se pose clairement la question du bienfait pour les éleveurs, pour les entreprises françaises et plus globalement pour l’économie française. La valeur ajoutée part à l’étranger. Ni les producteurs, ni les entreprises n’en bénéficient.
Dans le cas de l’usine Synutra, la poudre de lait produite est exportée en Chine où elle sera revendue avec beaucoup de marge puisque la boîte vendue autour de 20 € en France est vendue au consommateur chinois entre 50 et 90 €, sachant qu’une boîte partira de France à environ 5 €… Dans une boîte de poudre de lait de 900 grammes, le lait représente ainsi moins de 90 centimes.
Cela constitue toutefois un débouché pérenne pour le lait breton ?
On aurait pu imaginer que la filière se structure pour investir en Bretagne avec l’appui des banques. La plus-value serait restée en France et n’aurait pas été captée par la Chine. Avec ce modèle, l’économie française ne retire aucun profit, y compris en termes de taxes et d’impôts. La Chine gagne sur les deux tableaux puisque la laiterie paye les producteurs français au prix français et non pas au prix chinois qui est quasiment le double.
Recueilli par D. Le Du