Le traité entre l’UE et le Canada inquiète, car le secteur agricole est concerné dans de nombreux domaines.
Tous ceux qui craignent la mise en place du Ceta (Comprehensive economic and trade agreement, ou accord économique global entre l’Union européenne et le Canada) regardent l’échéance de février 2017 d’un mauvais œil. Mis à mal par la région belge de la Wallonie, la signature de ce traité a été repoussée à cette date, alors qu’il aurait dû être approuvé le 14 décembre dernier. Pour Birgit Müller, directrice de recherche au CNRS et qui s’est penchée sur le sujet depuis de longues années, il faut tout mettre en œuvre pour stopper le projet.
Ayant étudié ces thèmes outre-Atlantique, elle a livré son point de vue lors d’une soirée débat organisée par la Confédération paysanne, à Saint-Ségal (29). « C’est un sujet dont on parle peu, malgré son extrême importance », pense la chercheuse. Négociés dans le secret, les différents textes sont désormais disponibles sur le site de la Commission européenne. Le lecteur devra prendre son mal en patience pour lire les 1 500 pages du document et annexes. « Les députés ne l’ont sans doute pas fait », dénonce Birgit Müller.
Des précisions étranges dans les textes
Globalement, le Ceta permettrait à une multinationale de dénoncer un État qui créerait des entraves à son développement. « Si une société spécialisée dans l’énergie atomique a projeté de se développer dans un pays, et que celui-ci met en place une politique de renoncement à cette énergie, il pourra être cité devant le mécanisme d’arbitrage ». Chaque partie désigne alors un avocat, et s’accorde sur un arbitre qui donnera son verdict. Or ce dernier ne correspond pas forcément aux lois en vigueur dans le pays : ce n’est ni plus ni moins une création de loi parallèle ». La spécialiste craint que le rapport de force soit lésé entre des grandes multinationales et des petits États qui, plutôt que de recourir à cet arbitrage au risque de payer de fortes sommes, se « laisseront intimider par la menace de cette citation devant tribunal ».
Le secteur agricole n’est pas en reste. Pour les semences de ferme, l’exception agricole « est absente du chapitre consacré à la propriété intellectuelle. Ainsi, si un agriculteur est suspecté d’utiliser ses propres semences, il pourrait être accusé de contrefaçon, avec comme conséquence un gel de ses comptes bancaires tant que les soupçons ne sont pas levés. Le Ceta contient des paragraphes
très détaillés, inquiétants ». Cette situation conduirait aussi à qualifier les acheteurs et les trieurs à façon de receleur.
Le lait et la viande touchée
La production de viande bovine serait également concernée par le traité. « Le Canada pourrait exporter vers l’UE, avec des droits de douane nuls, 65 000 t de pièces nobles, comme l’aloyau, quand la production européenne pour ce type de morceaux est déjà de 800 000 t ». Pour la filière laitière, les quotas de production en vigueur au Canada pourraient voler en éclats si l’Europe décide d’exporter vers ce pays, contraignant les agriculteurs canadiens à trouver d’autres débouchés mondiaux, qui pèseraient sur les prix payés aux producteurs. « Nous devons interpeller nos députés sur le sujet. C’est faisable en posant ses questions sur le site Ceta Check aux membres du Parlement européen », conclut Birgit Müller.
Ci-dessous, le coup de gueule de l’eurodéputé EELV contre l’accord de libre-échange avec le Canada est devenu viral.
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