Lait : rechercher la maîtrise du coût alimentaire

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« Le lait, c’est 60 à 65 % de coût structurel. Et pourtant, 60 % des écarts de performance économique entre les ateliers ont pour origine la différence de maîtrise opérationnelle », démarrent, Georges Douguet et Geneviève Audebet, du service Études au Cerfrance Côtes d’Armor. « Le coût alimentaire à lui seul explique déjà 46 % des écarts : C’est un véritable levier d’amélioration pour  les élevages. »

Meilleur revenu pour les coûts alimentaires les plus bas

[caption id= »attachment_23851″ align= »alignright » width= »200″]Geneviève Audebet, CerFrance Côtes d’Armor Geneviève Audebet, CerFrance Côtes d’Armor[/caption]

Et d’enfoncer le clou en s’appuyant sur l’analyse des bilans du réseau d’adhérents : « Sur les élevages laitiers qui se situent dans le quart des plus performants en termes de coût alimentaire, le revenu est supérieur à la moyenne de plus de 5 000 € par actif familial. » On a beaucoup focalisé sur l’augmentation des charges de structure avec des investissements passés de 17 000 à 30 000 € par exploitation entre 2006 et 2013. Alors que pour qu’un atelier soit « rentable », il faut avant tout « faire de la marge brute » en maîtrisant tous les leviers de « l’opérationnel » comme l’alimentation, la gestion sanitaire… C’est-à-dire revenir « aux fondamentaux du métier de producteur de lait ».

D’autant qu’on constate que les personnes qui sont performantes sur le coût alimentaire sont généralement bonnes sur la maîtrise des autres coûts, comme l’élevage des génisses par exemple. Pour Georges Douguet, se concentrer en premier lieu sur ce coût alimentaire, c’est « miser sur le bon cheval » car ces efforts vont se répercuter sur tout le reste de l’exploitation.

« Baisse lente du coût alimentaire »

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Après un pic en 2013, le coût alimentaire baisse depuis 3 ans. « Cela s’explique par la baisse du coût de concentrés en 2014 et 2015 après la crise des matières premières de 2013 », commente Georges Douguet. « Suivie d’une baisse de la quantité de concentrés distribuée en 2016 dans un contexte de gestion de crise laitière : autour de – 7 % à 164 g par litre de lait, contre 176 g en 2015 ». Le résultat aussi de « l’effet dilution » de bonnes campagnes fourragères avec un coût de fourrage stable à l’hectare mais en baisse aux 1 000 L de lait et une reconstitution des stocks. Le chargement augmente depuis deux ans vers 1,65 UGB / ha, avec parallèlement la progression des surfaces en maïs. Mais le bilan 2016, avec des maïs plus hétérogènes et moins d’herbe globalement en Bretagne, devrait donner lieu à un sursaut du coût alimentaire.

Hausse tendancielle du prix des concentrés

[caption id= »attachment_23850″ align= »alignright » width= »200″]GEORGES DOUGUET, CerFrance Côtes d’Armor GEORGES DOUGUET, CerFrance Côtes d’Armor[/caption]

Reste que ces dernières années, la perspective de cette fin des quotas a donné lieu à une augmentation des investissements. « Pour amortir tout ça, il est nécessaire de produire plus mais à moindre coût. » La différenciation du prix du lait, avec des volumes A, B voire C a poussé peu à peu « les gens à décortiquer davantage leur coût, à se questionner plus », jugent les experts. Ils rappellent que la bonne stratégie est d’une certaine manière de « mettre le plus de coût fourrager possible dans le coût alimentaire ». Pourquoi ? « Parce que les prix des concentrés sont sur une hausse tendancielle à long terme. Mais aussi parce que c’est un paramètre que l’on ne maîtrise pas du tout », rappelle Georges Douguet. Incident climatique ? Bonnes récoltes au Brésil, en Argentine ou aux États-Unis ? Chine aux achats ? Crise diplomatique ? « Ce n’est pas parce que le prix du soja est sage depuis trois ans qu’il faut avoir la mémoire courte. Quand le marché des concentrés se tend, les exploitations les plus consommatrices sont très fragilisées. »  

Pénalisants achats de fourrages

Pourtant la tendance est à l’intensification en Bretagne. En 10 ans, l’exploitation laitière spécialisée moyenne est passée de 270 000 à 450 000 L de lait produits par an. « Du litrage en plus mais souvent sans foncier, lié aux rallonges de références laitières. Cela a remodelé les systèmes de production. La part de maïs est en hausse, sans doute pour son aspect sécurité alimentaire. »

À ce propos, Geneviève Audebet pointe du doigt une situation nouvelle. « Les achats de fourrages étaient rares. Ils sont devenus plus fréquents, presque rentrés dans les mœurs. » Pour elle, il faut éviter d’être « fragile » sur la question du stock fourrager. « C’est devenu une sorte de business entre le vendeur à l’hectare et l’acheteur à la matière sèche. Des ensilages en silo depuis un an sont même commercialisés… À l’arrivée, cela fait grimper le coût alimentaire ». Avec un lait payé au producteur estimé sur 2016 entre 285 et 290 € / 1 000 L, c’est trop pénalisant alors que le prix d’équilibre de l’atelier bovin pour le second semestre devrait se situer entre 330 et 340 € / 1000 L.

En conclusion, les deux observateurs concèdent que c’est « compliqué » d’être éleveur laitier car beaucoup de choses construisent le coût alimentaire : choix d’assolement, coût des fourrages (« En moyenne 570 € de charges opérationnelles  / ha pour un maïs ensilage, mais 300 000 € d’écart entre les 10 % les plus performants et les moins performants »), coût d’élevage des génisses (« Sur le terrain, il varie du simple au triple »)… Il faut prendre le temps de participer à des groupes d’échange, d’aller voir chez d’autres éleveurs « leur cheminement pour arriver à la maîtrise du coût alimentaire ».

Lait par vache et par UTH

Sur la période 2007 – 2010, la production laitière moyenne par vache était inférieure à 7 000 L par an en Bretagne. Aujourd’hui, elle dépasse les 7 500 L. Mais surtout, la production ramenée à l’UTH exploitant a bondi de 175 000 à 280 000 L, et même plus de 300 000 L dans le Finistère. « Le modèle breton a subi une restructuration rapide et profonde », résume Georges Douguet. Conséquence : avec des ateliers plus grands, « on a moins de liberté de choisir son système de production ». Le modèle intensif « s’impose souvent naturellement ». Bien maîtrisé, les chiffres montrent qu’il continue de « générer du revenu ».

Mais il est synonyme d’un besoin de technicité accrue de la part des éleveurs… « L’agrandissement notamment est traître car les trous se creusent vite en valeur absolue si les pertes sont liées à une mauvaise maîtrise du système ». 30 € / 1 000 L de différence de coût alimentaire entre deux élevages produisant 300 000 L de lait, « c’est déjà un écart de marge de 9 000 € ». Pour un volume de 800 000 L, c’est 24 000 €… « Quand on dérape sur le coût alimentaire, c’est le signe d’une non maîtrise du système. Nous continuons de conseiller de faire mieux avant de faire plus en cherchant l’efficacité aux 1 000 L. »


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