Safer : la démocratie foncière en action

decoupage-parcelles-foncier-safer - Illustration Safer : la démocratie foncière en action
Si dans un quizz on disait « Safer » aux agriculteurs, ces derniers répondraient : « préemption ». Pourtant, cette fameuse préemption ne représente que 1,5 % des 40 000 ha mis en vente chaque année en Bretagne.

La Safer a sensiblement la même image que la CDOA. C’est mal connaître les fondements de cette structure, née avec la loi d’Orientation agricole de 1960 et qui, depuis 2008, s’est ouverte pleinement à la pluralité syndicale. La Safer, Société d’aménagement foncier et rural, serait même plutôt un outil social et d’aménagement. Avec un dessein qui ne l’a pas quitté depuis sa création : maintenir un équilibre entre les exploitations en assurant la transparence du marché foncier rural.

Gardienne du prix de la terre

Cette organisation émane d’ailleurs du mouvement de la Jac défenseur d’un catholicisme social. C’est ainsi que, depuis plus de 50 ans, elle pratique la régulation du marché foncier, comme le réclament aujourd’hui la majorité des agriculteurs bretons pour les marchés des denrées agricoles. Comment ? D’abord en état la gardienne du prix de la terre. Avec ce principe : le prix de vente doit être en phase avec celui pratiqué habituellement sous le contrôle des services de l’État.

C’est cette régulation des prix, pratiquée depuis 5 décennies, qui a permis de temporiser l’augmentation du prix du foncier agricole sur le long terme. Sans ce contrôle, l’hectare de terre breton se négocierait peut-être 20 000, voire 30 000 €/ha comme c’est le cas en Europe du Nord. Ce qui aurait mis en péril la capacité de modernisation des exploitations agricoles (bâtiments, équipements…). La France n’est pas seule à exercer cette canalisation des prix. Des pays, comme l’Allemagne, la Pologne étoffent aussi leurs outils de régulation foncière. D’autres, comme la Hongrie, ont aussi des outils de contrôle relativement stricts pour se prémunir de l’appétit d’investisseurs étrangers.

C’est aussi toute l’ambition de la Fédération nationale des Safer – dont l’assemblée générale s’est tenue les 14 et 15 décembre à Brest – qui compte beaucoup sur la loi Sapin 2 pour avoir accès aux ventes qui lui échappent jusqu’à présent sous couvert de structures sociétaires. L’acquisition 1 700 ha dans l’Indre par un fonds d’investissement étranger est emblématique à ce niveau, mais plus localement chacun connaît ce type de montage juridique pour échapper au filtre de l’aménagement foncier.

Transparence totale

Sur 40 000 ha de terres agricoles qui changent de main chaque année en Bretagne, 15 000 ha sont des terres libres à la vente. C’est sur ce foncier dit accessible que la Safer peut exercer son droit de préemption. Mais dans les faits, elle achète 4 500 ha dont 87 % à l’amiable en accord avec le propriétaire-vendeur. Tout cela au su et vu de tous puisque toutes ces surfaces bénéficient d’une publicité dans les journaux agricoles (dont Paysan Breton), sur le site de la Safer et des préfectures de Région et du département concerné.

Une structure très contrôlée

La Safer est très encadrée par l’administration qui lui fixe des objectifs pluriannuels. Ainsi, l’attribution du foncier doit contribuer à au moins 80 installations par an en Bretagne jusqu’en 2021 – dont au moins 20 en bio –. La loi d’Avenir de 2014 a étendu les pouvoirs de la Safer. Saisi sur ce dossier, le Conseil constitutionnel a estimé que cette extension de pouvoirs n’est pas disproportionnée aux objectifs d’intérêts généraux poursuivis par la Safer (installation d’agriculteurs et restructuration parcellaire).

Les agriculteurs intéressés peuvent tous faire acte de candidature pour les terres et bâtiments qui font l’objet d’une publicité. Si plusieurs agriculteurs sont candidats pour une même parcelle, le comité technique de la Safer – assemblée de membres qualifiés sous l’autorité de 2 commissaires du gouvernement qui ont droit de veto – émet un avis consultatif d’attribution du foncier selon des critères qui tiennent compte de « la situation économique, sociale et familiale des acquéreurs », comme l’impose le Code rural. La décision d’attribution est ensuite prise par le conseil d’administration. Pour autant, le foncier étant par nature limité en quantité et l’attachement à la terre étant viscéral dans les campagnes, trouver un terrain d’entente sur le terrain ne sera jamais une sinécure… La Safer n’empêche pas les passions de s’enflammer mais se veut un arbitre du foncier.

Le renouvellement des générations
L’outil a été mis en place dans les années 60 pour contrer la spéculation foncière. C’est toujours son objectif aujourd’hui. La différence est que les missions exclusivement agricoles d’avant se sont élargies à l’environnement, à la gestion de l’espace rural plus globalement. Mais la priorité reste bien le renouvellement des générations en agriculture. Car l’agriculture n’a du sens et de l’avenir que s’il y a renouvellement des générations. D’où une priorité donnée à l’installation dans toutes ses formes d’agriculture.Jean-Paul Touzard, Président Safer Bretagne


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