Bien qu’idéalement située, à quelques minutes des remparts de la cité corsaire, la ferme d’Écosse ne se contente pas de fournir un gîte aux touristes qu’elle reçoit. On y vient autant pour la qualité de l’accueil que pour partager la passion du métier d’agriculteur. Reportage à Saint-Malo chez Jean-Luc et Valérie Moulin.
Comme chaque année à la Toussaint, les « Rodrigues » ont quitté la région parisienne pour venir séjourner chez Jean-Luc et Valérie Moulin. Une semaine de vacances au grand air ! Manque de chance, il fait un peu gris cet après- midi. Pas idéal pour se promener au bord de la mer. Par contre, rien ne s’oppose à un petit cours de maraîchage. À l’aide de son long couteau, Jean-Luc Moulin coupe la tige d’un chou-fleur, puis dégage les feuilles protégeant la cervelle blanche du légume. « Dans ces parcelles, je cultive 25 variétés de choux-fleurs… et pas pour le plaisir. En jouant sur les cycles biologiques (courts ou longs), je plante sur une période d’un mois et j’étale la récolte (donc les ventes) sur près de huit mois, d’octobre à mai ».
Véronique, Charline et Pierre Rodrigues écoutent attentivement. De temps en temps, ils aiment rejoindre Jean-Luc au milieu de ses plantations pour une petite leçon de choses. « On se rend compte que c’est un boulot de dingue, reconnaît Pierre, et puis, en discutant, on change de rapport avec ce qu’il y a dans notre assiette ».
Voilà ce qu’on peut entendre dans les champs qui entourent la ferme d’Écosse. Depuis plus de 15 ans, Jean-Luc et Valérie Moulin accueillent des touristes avides de découvrir les trésors de la région malouine, mais aussi de partager avec eux une petite tranche de vie agricole.
Les bons atouts
La ferme, aujourd’hui exclusivement légumière, s’est transmise de père en fils sur quatre générations. Jean-Luc, lui, s’est installé en 1985, d’abord avec ses parents, puis avec Valérie. « Quand nous nous sommes rencontrés, je ne connaissais rien à l’agriculture, se souvient-elle, j’étais professeur d’histoire et géographie ».
En 1998, l’année de leur mariage, elle démissionne et devient conjointe collaboratrice. C’est aussi l’année où germe en eux l’idée d’aménager des gîtes.
Tout les y invite : ils disposent de bâtiments et ont la chance d’habiter la ville touristique la plus connue de Bretagne. Une ville dont Valérie connaît bien l’histoire, et pour cause ! Et puis, ils aiment les gens : accueillir, échanger, partager. En 2000, les deux premiers gîtes ouvrent leurs portes, puis deux autres suivent en 2004, jusqu’au dernier qui vient d’être mis en service et dispose du label handicap.
Dès le départ, les rôles se répartissent entre les deux agriculteurs. « Très vite, j’ai consacré l’essentiel de mon temps aux gîtes », indique Valérie. C’est qu’au-delà de l’image sympathique renvoyée par l’accueil à la ferme, ce couple d’agriculteurs n’oublie pas l’essentiel : la réalité économique. « Pour vivre à deux sur l’exploitation, il nous fallait un complément de revenus ». Et c’est aussi de cette réalité dont ils aiment parler.
Des secrets de la terre…
« Je ne me contente pas de montrer comment je travaille, confie Jean-Luc, j’aborde aussi les questions économiques et la complexité du métier. Je cite des chiffres pour aider à comprendre comment se construit un prix. Par exemple, les gens sont surpris d’apprendre que la culture d’un hectare de choux exige 150 heures de main-d’œuvre. J’insiste également sur l’imprévisibilité de la météo avec laquelle il faut toujours composer. Sachant que toute notre production légumière est vendue au cadran par la coopérative Terre de Saint-Malo, le prix payé au producteur dépend donc directement du jeu de l’offre et de la demande. Une offre elle-même liée aux conditions météo…».
Jean-Luc dévoile ainsi la subtilité quotidienne dont il faut faire preuve pour bien gérer sa production. D’autant plus que, depuis 2006, son exploitation est passée en bio. Il lui faut parfois déployer des trésors d’ingéniosité pour traiter les cultures en respectant le cahier des charges. « Un printemps trop humide peut vite vous faire perdre des tonnes de pommes de terre. J’ai donc investi dans un pulvérisateur avec ventilateur pour traiter à la bouillie bordelaise, y compris sous les feuilles, de quoi limiter les dégâts et réduire les doses … ».
…aux conseils de Valérie
Autant d’anecdotes faisant mouche auprès des touristes qui en recausent volontiers, le soir même, autour d’une bonne bouteille de cidre, en compagnie des propriétaires. Mais là, c’est plutôt Madame Moulin qui est aux manettes. « Une fois que les gens se sont posés, on aime les inviter à un petit apéro ».
Valérie, c’est à la fois la secrétaire et la directrice « relationnelle » de la ferme. Elle gère les réservations, la préparation des gîtes et soigne sa fidèle clientèle. « Les gens ont un besoin incroyable de parler. Je passe des heures à les écouter ». En retour, elle a bien des choses à leur apporter : « Quand ils viennent pour la première fois, je leur donne un plan de Saint-Malo… Et souvent, ils commencent par chercher une grande surface…
Alors je leur dis : « Vous avez le temps, non ? Et si vous alliez plutôt faire vos courses chez Les fermiers de la baie ? ». À qualité égale, ce magasin de producteurs, tout proche, leur offre – au même prix – de la viande, des légumes, des laitages, du pain, des fruits de mer… Et, de plus, l’occasion de faire connaissance avec d’autres producteurs du pays ».
De retour au gîte, le panier rempli de bonnes victuailles, on imagine aisément Valérie venir à leur rencontre (coiffée de sa casquette virtuelle d’ex-prof) pour ouvrir avec eux le livre des vacances au chapitre Histoire-Géo. Pierre-Yves Jouyaux
Ferme d’Écosse
- Production légumière,
- Agriculture biologique,
- Choux-fleurs, choux, brocolis, pommes de terre, céleri rave, oignons jaunes.
- Répartition CA : – Maraîchage : 75 % – Accueil à la ferme : 25 %
- Contact : Jean-Luc et Valérie Moulin Écosse 35 400 Saint-Malo / 02 99 48 40 23 / 06 47 80 23 30
- www.abri-gite.com