L’attachement qui unit le paysan à sa terre est quasi filial depuis la nuit des temps. Ce lien s’est encore renforcé avec l’abandon progressif par la noblesse d’une certaine prérogative historique sur la propriété foncière rurale. Cette possibilité d’accession à la terre agricole par l’agriculteur est humainement chargée de cette émancipation du lien de subordination, de jadis, entre le seigneur et le paysan.
Ce n’est donc pas un hasard si le député Dominique Potier qui a porté le dernier projet de loi sur le foncier agricole à l’Assemblée nationale a volontairement parlé d’accaparement des terres. L’expression est destinée à marquer les esprits. Dans un autre domaine d’activité économique, on aurait parlé d’investissement, fusse-t-il par des Chinois. À chaque type de bien son vocabulaire.
Car la terre n’est pas un bien comme un autre. Elle peut être à la fois une propriété privée et demeurer le bien commun d’un pays soucieux de sa souveraineté alimentaire. « C’est pourquoi le marché de la terre agricole doit rester libre mais encadré », a résumé le député de Meurthe-et-Moselle en présentant le projet de loi qui, en substance, doit permettre aux Safer de préempter sur des ventes de terres agricoles jusqu’ici protégées par des montages sociétaires.
Les Jeunes Agriculteurs ont applaudi la proposition de loi qui est à présent entre les mains des sénateurs. Si elle va jusqu’à son terme, cette nouvelle disposition pourrait contribuer à protéger le modèle agricole familial français. Et à préserver l’autonomie de décision des agriculteurs et la valeur socio-économique de l’agriculture nationale. « C’est démontré : une ferme unique de 1 000 ha produit moins de valeur ajoutée que 10 fermes de 100 ha », a justifié le député lorrain dans son plaidoyer pour la loi.