« Antibiotiques et défenses immunitaires sont complémentaires »

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Dr Tanguy Rault nous explique la manière dont fonctionnent les antibiotiques et met en garde contre leur mauvaise utilisation qui favorise la sélection de souches de germes résistants. 

« La destruction de la population bactérienne par l’antibiotique n’est jamais totale. Dans la réalité, l’action des antibiotiques « affaiblit » la population bactérienne et facilite sa destruction par les défenses immunitaires qui terminent le travail », explique Dr Tanguy Rault, GTV Bretagne. « Il faut bien comprendre qu’antibiotiques et défenses immunitaires sont complémentaires. »

Mécanisme de sélection des germes résistants

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Maintenant, imaginons une population bactérienne (parmi laquelle figure une bactérie résistante) qui infecte un tissu. Un traitement est alors mis en place pour soigner le bovin malade. « L’antibiothérapie affaiblit nettement la population de germes, mais n’affecte pas la bactérie résistante. Mais comme nous venons de le dire, l’immunité intervient alors en relais et parvient à débarrasser l’organisme des bactéries. L’inflammation diminue alors. »

Par contre, si le traitement antibiotique utilisé est insuffisant (« mal adapté, trop court… »), la population bactérienne n’est pas suffisamment entamée et le système immunitaire ne parvient pas à reprendre totalement le dessus. « L’inflammation peut diminuer et l’organisme semble guéri mais la guérison bactériologique n’est pas obtenue. Pire, les bactéries résistantes (non affectées par l’antibiotique) ont des chances plus importantes de survivre et sont alors sélectionnées : proportionnellement, elles sont désormais plus nombreuses dans la population après le traitement qu’avant… »

Du bon usage des antibiotiques

La population de bactéries peut alors se développer de nouveau, de manière exponentielle, et la maladie se ré-exprimer. Et malheureusement, la capacité d’action des antibiotiques est amoindrie puisque les résistantes sont désormais plus nombreuses. « Naturellement, ces pathogènes résistants seront donc plus présents dans les fèces et pourront ainsi potentiellement recontaminer plus facilement d’autres veaux », insiste le vétérinaire.

Ce phénomène de sélection peut se produire dans les conditions normales d’utilisation des antibiotiques. « Mais il est fortement exacerbé par leur mauvais usage, c’est-à-dire le non-respect des posologies, de la voie d’administration ou de la durée de traitement », termine Dr Tanguy Rault, GTV Bretagne.

Les mauvais sélectionneurs

Dr Cédric Debattice, GTV Bretagne
Dr Cédric Debattice, GTV Bretagne

Dr Cédric Debattice, GTV Bretagne nous parle de deux éleveurs rencontrés qui ont peu à peu, à cause d’un mauvais usage du médicament, rendu les pathologies plus fréquentes et surtout plus difficiles à soigner sur leurs élevages respectifs. « Le premier éleveur, dans un souci d’économie, avait décidé de ne pas respecter la dose préconisée en fonction du poids de l’animal quand il faisait un traitement antibiotique contre les troubles respiratoires. Cela avait d’abord des conséquences négatives immédiates sur la guérison des animaux surinfectés. Et pire, même s’il ne le savait pas, sur la guérison des futures infections dans son élevage. En effet, les bactéries les plus « costaudes », en capacité de résister à l’antibiotique, avaient plus de chances de survivre et leur importance dans la population bactérienne restante est devenue plus élevée ».

Chez le second, de plus en plus embêté par des diarrhées des veaux, les pratiques n’étaient pas non plus correctes. « À chaque fois, quand la diarrhée était bégnine, il administrait systématiquement sur une demi-journée ou une journée uniquement des antibiotiques par voie orale. En cas de non-guérison ou de diarrhée avec atteinte de l’état général, l’éleveur piquait alors systématiquement mais stoppait le traitement antibiotique dès amélioration de la diarrhée et de l’état général… » Pour le vétérinaire, c’est une conduite à risque. Usage systématique des antibiotiques ; recours régulier à la voie orale, non-respect de la durée de traitement…

« C’est même irresponsable. » En quelques années, à ce rythme-là, les pathologies se généralisent dans les élevages et face à la sélection de germes résistants, on peut aboutir à « l’impasse thérapeutique ». La solution ? « Mettre en place avec son vétérinaire un protocole de soin à suivre à la lettre et faire le maximum de prévention : hygiène des locaux et matériel, isolement des animaux malades… »


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