Le colostrum est un médicament gratuit et vital pour le veau

 - Illustration Le colostrum est un médicament gratuit et vital pour le veau
Le colostrum est un médicament gratuit, très efficace et même indispensable. Rappel sur les bienfaits du premier lait.

Pour pouvoir faire face aux diarrhées néonatales qui touchent le nouveau-né dès les premiers jours de vie, la santé du veau dépend d’un équilibre délicat, avec d’un côté la pression infectieuse à laquelle il est confronté qu’il faut limiter, et de l’autre l’immunité du veau qui doit être optimisée. Cet équilibre peut vite être rompu ce qui déclenche la maladie.

[caption id= »attachment_25131″ align= »alignright » width= »149″]Dr Virgine Guez, GTV Bretagne Dr Virgine Guez, GTV Bretagne[/caption]

L’âge de l’animal va directement conditionner le type de diarrhée : la colibacillose est par exemple une pathologie plus précoce. Sa vigueur est aussi essentielle : « La principale cause de faiblesse des veaux dans les premiers jours est le vêlage. Les dystocies ou vêlages longs vont provoquer des dépressions, hypoxies, voire des acidoses métaboliques. Les conséquences sont donc une faiblesse précoce et surtout une mauvaise ingestion de colostrum. Cette dernière pouvant être partiellement compensée par un recours à un apport rapide à la sonde œsophagienne. D’autant que le statut immunitaire du nouveau-né dépend essentiellement de l’ingestion de ce colostrum », explique Dr Virgine Guez, GTV Bretagne.

Et de poursuivre : « Le veau le plus vigoureux du monde, s’il est placé dans des conditions les plus insalubres donc confronté à une pression infectieuse très importante ne pourra pas lutter, malgré ses bonnes défenses qui seront vite dépassées. » Si en plus de cela le veau est déjà en souffrance physiologique, peu vigoureux, sans ou avec très peu de défenses immunitaires (absence ou mauvaise buvée colostrale), il n’aura aucune chance face à une abondance des germes pathogènes dans son environnement.

Le plein de défenses

Le type de placentation de la vache ne permet pas le passage d’anticorps de celle-ci vers le veau lors de la gestation. Le veau naît ainsi avec un système immunitaire complet mais immature, il est dit naïf vis-à-vis des agents pathogènes. « Ses premiers anticorps sont produits après une semaine de vie. Ses défenses, au départ, dépendent donc essentiellement de l’ingestion de colostrum qui lui fournit un tas de défenses maternelles pour se battre contre les agressions extérieures les premiers jours, voire semaines de vie. » Revue d’effectifs.

Le colostrum apporte :

  • Immunoglobulines G (IgG), anticorps qui vont être absorbés au niveau du tube digestif et devenir circulants. Leur capacité d’absorption intestinale est maximale pendant les quatre premières heures de vie puis décroit rapidement. Après 24 h, ces anticorps restent dans la lumière digestive.
  • IgM et IgA en moindre quantité, les IgA servant de défenses locales dans le tube digestif.
  • Lysozyme, enzyme détruisant la paroi des bactéries Gram+.
  • Lactoferrine et lactoperoxydase. La première étant une glycoprotéine à activité antimicrobienne, la seconde une enzyme retrouvée principalement dans la mamelle et donc le lait et le colostrum et ayant, comme le lysozyme, une activité antimicrobienne (virus, bactéries, levures).
  • Et aussi des interleukines, compléments, lymphocytes et facteurs de croissance.

Attention au faible instinct maternel chez la génisse

« Le colostrum est le seul médicament totalement gratuit et ne craignant pas d’interdiction d’utilisation », reprend Dr Aurélie Bélenguez, GTV Bretagne. Cependant le colostrum de la mère peut être le plus riche du monde, cela ne garantit pas au veau une bonne immunité. Si l’ingestion et l’assimilation de ce colostrum ne sont pas correctement effectuées, il n’y aura pas de bon transfert colostral. « Ainsi, dans 39 % des cas de diarrhées néo-natales, un défaut de transfert immunitaire peut être mis en cause ».

Dans 39 % des cas de diarrhées néo-natales, un défaut de transfert immunitaire peut être mis en cause.

[caption id= »attachment_25132″ align= »alignright » width= »150″]Dr Aurélie Bélenguez, GTV Bretagne Dr Aurélie Bélenguez, GTV Bretagne[/caption]

Certains facteurs vont influencer l’ingestion de ce colostrum et l’absorption de ses anticorps. « Ainsi, chez la mère, un mauvais instinct maternel, notamment chez la génisse, ou une rétention de lait peut être problématique. À cela s’ajoutent des problèmes de tétées lorsque les trayons sont trop gros. Enfin, ne pas oublier que l’isolement de la mère, en troupeau allaitant, limite les tétées de veaux voleurs qui spolient alors le premier et meilleur colostrum. »
Suite à un vêlage difficile ou long, « un veau faible ou anoxique aura des difficultés à téter » et retardera donc sa prise de colostrum, voire même n’en boira pas. « Même chose pour un veau lourd à la naissance. » De plus, des veaux carencés en oligo-éléments (« liés à des subcarences ou carences des mères en fin de gestation ») auront une moins bonne assimilation des anticorps maternels.

Distribuer le colostrum pour s’assurer de son ingestion

Enfin, un bon transfert immunitaire est lié à une ingestion correcte car l’efficacité d’absorption des anticorps chute très vite après vêlage, « avec déjà une efficacité de moins de 50 % à 12 h et quasiment nulle à 24 h, les immunoglobulines G restant dans la lumière du tube digestif à ce moment-là ». Compte tenu de la baisse rapide de l’absorption instestinale du colostrum, celui-ci doit être donné rapidement, « cela est d’autant plus vrai en troupeau laitier où les colostrums sont globalement déjà moins riches en anticorps ». Pour le volume à distribuer, il dépend du poids de naissance du veau et, normalement, de la concentration en anticorps du colostrum. « En pratique, il est recommandé de distribuer soit 2 litres dans les 2 h renouvelés avant 6 h de vie, soit 4 litres en une administration unique (drenchage). »

Enfin la méthode de distribution est importante puisque le colostrum est mieux assimilé s’il est bu en tétant (biberon, seau à tétine) plutôt qu’au seau ou au drencheur, lié à la fermeture de la gouttière œsophagienne. « Mais au drencheur la quantité administrée compensera. »

Facteurs influençant la qualité du colostrum

[caption id= »attachment_25133″ align= »alignright » width= »150″]Philippe Le Page, GTV bretagne Philippe Le Page, GTV bretagne[/caption]

Le colostrum est un produit complet mais dont la qualité est influencée par de nombreux facteurs, rappelle Philippe Le Page. Certains sont liés à la vache :

  • La race : « Meilleur colostrum chez les races allaitantes, colostrum moins riche en immunoglobulines chez les Prim’Holstein. »
  • L’individu : « Il y a des variabilités individuelles entre les animaux. »
  • Les pertes de lait : « Les vaches qui coulent avant vêlage ont pour conséquence une élimination du meilleur colostrum dans la nature. »
  • L’état sanitaire : « Toute pathologie ou parasitisme intercurrents diminuera la qualité du colostrum par la baisse des synthèses d’anticorps spécifiques. »
  • La carrière : « Il y a moins de colostrum aux 1er et 2nd rangs de lactation. Il y a également 25 % d’immunoglobulines en moins chez une génisse par rapport au colostrum de ses lactations suivantes. »
  • La prématurité et les jumeaux : « Le colostrum ne se prépare pas correctement donc il est moins riche en immunoglobulines. »

D’autres facteurs influençant la qualité des premiers laits sont liés à la gestion de l’élevage :

  • « La vaccination des mères augmente la concentration colostrale en immunoglobulines contre les agents infectieux ciblés. Les immunoglobulines G s’exportant dans la mamelle dès 3 semaines avant vêlage, il convient de vacciner au moins 3 à 4 semaines avant vêlage. »
  • « L’alimentation des taries est essentielle aussi bien en énergie, azote, vitamines et minéraux. »
  • La durée de tarissement : « Compter au moins 4 semaines pour un bon colostrum puisqu’il commence à être produit 3 semaines avant la mise bas. »
  • La conservation : « Protégé, le colostrum se garde 3 jours en frais. Une semaine réfrigéré ou yaourtisé. Un an congelé. »
  • L’hygiène de la traite et la distribution : « Si la mamelle, les mains du trayeur, le seau ou le biberon ne sont pas propres, la contamination bactérienne du colostrum a pour conséquence une utilisation des anticorps présents. »

Ne pas tomber dans le trou immunitaire

trou-immunitaire

Ce graphique illustre le niveau de protection immunitaire d’un veau au cours des premières semaines de vie. L’immunité nécessaire pour contenir la pression microbienne normale pour un veau est matérialisée par la ligne pointillée rouge. La seule immunité des premiers jours de vie est apportée par le colostrum (en vert), protection qui va décroissante dès 4 ou 5 jours. L’immunité propre du veau croît doucement après la naissance (en bleu) mais ne peut réellement pallier la protection colostrale qu’après la deuxième semaine de vie. Entre 7 et 11-12 jours de vie, période plus à risque pour le jeune veau, c’est le « trou immunitaire ». Il ne faut donc surtout pas relâcher la pression sur l’hygiène environnementale du veau sous prétexte qu’il est un peu plus grand.

 


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