Pour que les humains puissent s’adapter dans un monde en plein bouleversement, le paléoanthropologue Pascal Picq pense qu’il faut accorder une plus grande place à la diversité, qu’elle soit biologique, sociétale, culturelle.
« Nous ne sommes pas dans une crise, nous vivons un changement complet de monde et de civilisation », déclarait Pascal Picq, paléoanthropologue du Collège de France, lors de l’assemblée générale de la coopérative Évolution. Il avait été invité à apporter son regard sur une période empreinte de profonds changements pour les éleveurs. Selon lui, « la troisième révolution industrielle est en route et l’agriculture comme les autres secteurs doit s’adapter. »
D’emblée, le scientifique rappelle qu’il y a toujours eu de l’évolution du fait des catastrophes naturelles : volcans, courants océaniques, glaciations… Il souligne aussi que dans les grandes périodes de changement (Paléolithique, Antiquité, Renaissance, révolutions industrielles…), les innovations sont à la fois culturelles, sociales, scientifiques, esthétiques, cognitives (liées à la connaissance), techniques. « Les Trente Glorieuses ont apporté énormément de progrès, au niveau des télécommunications, des droits de l’homme, de l’industrie, de l’agriculture, de l’énergie, de la finance et du crédit… C’est une évolution comme jamais dans l’histoire de l’humanité. Mais elle atteint aujourd’hui ses limites. »
Revers de la médaille
[caption id= »attachment_25638″ align= »alignright » width= »148″] Pascal Picq, paléoanthropologue du Collège de France[/caption]
Triplement et vieillissement de la population mondiale, empreinte écologique, réchauffement climatique, effondrement des diversités… « Cette période a engendré des changements inattendus liés à l’intervention de l’homme. C’est inédit : nous devons aujourd’hui nous adapter à nous-mêmes, aux conséquences de nos succès. »
Mais comment faire ? Pascal Picq apporte un éclairage en faisant le parallèle avec les deux principales théories de l’adaptation. Pour Jean-Baptiste de Lamarck, la fonction crée l’organe. « Les espèces s’adaptent à leur environnement et transmettent des caractères acquis à leur descendance. C’est ce modèle qui structure nos sociétés actuelles. La France est un pays très « lamarckien » avec une culture d’ingénieur qui vise à développer et perfectionner des produits ou des filières qui existent déjà, qui tend à dire qu’il n’existerait qu’une solution, forcément la meilleure. » Mais l’adaptation prend souvent diverses formes. L’approche de Darwin repose sur la variabilité et la sélection naturelle. En combinant des éléments inattendus, la nature produit des nouveautés spontanées.
Place au plus adaptable
La diversité, l’introduction de variables dans un système sont une source d’innovation bien plus puissante. Dans l’approche « darwinienne », l’important n’est pas la survie du plus apte ou du plus fort, mais celle du plus adaptable. « Toute différence est une potentialité pour l’adaptation. Il faut maintenir les diversités, sans s’occuper de leur utilité, puis sélectionner les bonnes choses pour proposer des innovations de rupture. Le marché est modifié et dynamisé », souligne Pascal Picq. En résumé, dans un environnement en mutation, il faut sans doute prendre un peu des deux théories : savoir développer ses points forts (Lamarck), mais aussi maintenir sa diversité (Darwin).
Capter l’innovation, la tester et la valider
Il poursuit : « Dans l’économie d’aujourd’hui, les études de marché ne servent à rien. La politique de demande, c’est fini. Place à la politique de l’offre. La créativité s’impose pour être là demain. Oui, il y aura des destructions de métiers, mais d’autres seront créés. L’Allemagne est deux fois plus robotisée que la France, mais compte deux fois plus de travail dans l’industrie. »
La politique de demande, c’est fini. Place à la politique de l’offre.
Demain, il faudra donc être attentif à ce qui se passe autour de soi. Il faudra capter l’innovation, la tester et la valider. Dans les réseaux, les groupes, les entreprises…, l’autorité doit laisser la place à un leadership consenti, à l’ouverture aux idées venant de tous. Avec en parallèle, une certaine tolérance sur les erreurs.