La science-fiction rejoint la réalité. La recherche sur la mise au point de matériels complémentaires au squelette humain rend les tâches moins pénibles, et limite les troubles musculo-squelettiques (TMS).
720 tonnes. Cette masse imposante représente le tonnage qu’un conditionneur manipule durant une saison de récolte de choux-fleurs. Avec un chantier organisé avec 3 coupeurs, le conditionneur voit passer 300 000 choux pendant la saison. « À raison de 100 jours en moyenne de récolte par an, cette personne va soulever 7,2 tonnes de marchandise par jour. Nous sommes alors à la limite de la valeur maximale acceptable pour la manutention manuelle de charges, fixée à 7,5 tonnes. De plus, en comptant l’épaisseur de la palette, les hauteurs de positionnement des derniers cageots atteignent 2,2 à 2,3 mètres », chiffre David Guimard, conseiller prévention à la MSA d’Armorique, intervenant lors de l’assemblée générale du Comité de développement de la zone légumière du Finistère.
Il rappelle que « 720 tonnes, c’est l’équivalent du poids en charge de 20 semis-remorques ». Du côté du maniement des coûteaux, les chiffres sont tout aussi surprenants. « Il faut pour couper un chou 5 à 6 coups de couteau en moyenne. En coupant 100 000 choux par saison, et si l’opérateur y ajoute ne serait-ce qu’un ou deux coups de plus si la lame est mal affûtée, ce sont 100 000 ou 200 000 gestes supplémentaires. Sur une carrière complète, c’est énorme. Le geste doit être bien décomposé pour trancher le chou plutôt que de taper sur le légume ». Les travaux des champs, qui demandent une main-d’œuvre ultra- qualifiée, se heurtent à cette problématique, et les troubles musculo-squelettiques (TMS) bouleversent la vie de ces femmes et hommes. C’est pourquoi la zone légumière lorgne d’un œil plus qu’intéressé les avancées technologiques des exosquelettes.
En parallèle du squelette humain
La société Azairis travaille sur la mécatronique, technologie qui marie mécanique et électronique. Basée sur une commune proche de Saint-Nazaire (44), elle bénéficie des dernières avancées d’Airbus, notamment pour « des outils de réalité virtuelle. À l’échelle 1, nous visualisons par le biais d’un casque la future machine avant même l’assemblage des premières pièces, et simulons les usages toujours autour de l’opérateur », explique Olivier Legeay, co-fondateur de l’entreprise.
Ainsi, la phase de test met en lumière les demandes spécifiques de chaque métier sur lesquelles l’entreprise travaille. Ensuite, la conception de l’outil, comme les bras exosquelette sont « des ensembles mécaniques qui viennent en parallèle, plus ou moins proche, du squelette humain. Le bras ZeroG supprime alors la gravité, l’outil manipulé par l’opérateur n’a plus de masse ». Des gros outils électroportatifs, comme des meuleuses ou des boulonneuses, sont maniés avec une extrême facilité.
Autre produit développé par Azairis, le bras X-Ar, qui lui « soutient l’avant-bras de l’opérateur. Il est idéal pour les positions maintenues, comme pour les soudures TIG, ou les tâches à exécuter sur des tables de tri ».
Pour Gwénaëlle Guillet, conseillère en prévention à la MSA Portes de Bretagne, « Le nombre d’exploitations agricoles a diminué, mais les quantités de choux-fleurs restent les mêmes. Le salariat est venu petit à petit remplacer la main-d’œuvre familiale. Avant, l’apprentissage de la récolte de choux se faisait sur le tas, souvent depuis l’enfance. Désormais, il faut réapprendre ces gestes pour éviter les tendinites et les lombalgies. Les producteurs minimisent le geste d’utilisation du coûteau au champ, en disant qu’il est facile. Pourtant, c’est un mouvement très complexe ». Une étude menée sur l’ergonomie par la coopérative Terres de Saint-Malo vient compléter ces observations. « L’affilage de la lame du coûteau crée une petite butée qui rend moins efficace la coupe. Un affûtage hebdomadaire est fortement conseillé. Pour les récoltes de choux d’été, nous conseillons d’utiliser des coûteaux plus petits, car les troncs des choux sont plus faciles à couper en période estivale qu’en hiver ».
Si les solutions exo-squelettiques ne sont pas encore vulgarisées dans les champs de la ceinture dorée, les machines sont lancées. André Sergent, président de la Chambre d’agriculture du Finistère, a rencontré « des membres du Cea Tech de Grenoble (pôle recherche technologique du Commissariat à l’énergie atomique), qui travaillent déjà sur la région Bretagne, dans le domaine des industries agroalimentaires, et sont experts dans la robotique et la cobotique ». Cette nouvelle activité, signant une véritable coopération entre humains et robots, laisse le robot s’effacer dans une tâche quand une opération humaine est nécessaire, ou à l’inverse, le robot vient « retourner une pièce à souder pour l’opérateur », explique Olivier Legeay. Ce partenariat entre machines et agriculteur laisse augurer une réduction de la pénibilité du travail, et ce pour un proche avenir.
Le convoyeur à rouleaux contre les tendinites
Dans une exploitation légumière, le poste des charges salariales représente 20 à 25 % du chiffre d’affaires. Quand les prix de vente sont serrés, nous cherchons à réduire ces coûts. Un des leviers est d’augmenter les cadences de récolte. Le risque est d’écœurer les salariés à la tâche, et de multiplier les traumatismes. En modifiant la table de conditionnement de choux par un convoyeur à rouleaux, j’ai réglé un problème de tendinite à l’épaule, car je n’ai plus qu’à faire avancer le cageot avec un doigt plutôt que de le pousser à la main. Je garde ce poste de conditionnement pour les récoltes de choux pommés plutôt que de le confier à mes salariés, car la cadence est très intense. Georges Guézénoc, Producteur de légumes à Kerlouan (29)
En complément, le milieu médical mais aussi militaire utilise depuis plusieurs années déjà les exosquelettes, pour la rééducation ou le transport de charge lourde :