Dans les années 60, l’agriculture fait sa 2e révolution technique. Les manifestations légumières s’inscrivent dans ce cadre de modernisation de l’agriculture.
Un exemple suffit à montrer que les jeunes agriculteurs bretons veulent prendre leur destin en main dans les années 1950-1960 : aucune politique de l’enseignement professionnel et de la vulgarisation technique n’ayant pu être mise au point par les ministères responsables et le Parlement, les agriculteurs créent eux-mêmes des centres d’études techniques agricoles et des Maisons familiales.
Les voyages forment la jeunesse
C’est aussi avec cette même volonté d’aller de l’avant, qu’au milieu des années 1950, un groupe de jeunes producteurs engagés dans le mouvement de la Jac se lance dans une réflexion approfondie sur les systèmes de commercialisation de légumes. Cette réflexion est notamment nourrie par un voyage d’étude de Nord-Finistériens en Hollande. Alexis Gourvennec fait partie du voyage… il avait 17 ou 18 ans. Les participants découvrent les veilings hollandais qui vendaient des légumes au cadran chaque jour. Sur le chemin du retour celui qui deviendra le leader de la zone légumière dit : « Il nous faut un cadran en Bretagne ». Cette volonté de changer le cours des choses fait déjà son chemin quand des crises légumières s’enchaînent : chou-fleur en 1957 ; artichaut en 1958 et 1959.
Le 22 mars 1961, à Saint-Pol-de-Léon, un marché aux enchères dégressives est mis en œuvre pour remplacer le marché classique de gré à gré. Quelques semaines plus tard, la crise de la pomme de terre primeur s’invite dans un contexte déjà tendu qui met en opposition les tenants du cadran, d’un côté, et les opposants (expéditeurs et petits producteurs) de l’autre.
Les manifestations de 1961 ne démarrent pas dans le Léon mais au sud du département, dans le Pays bigouden. Le 27 mai 1961, des centaines de kilos de pommes de terre enduites de gasoil sont déversées dans les rues de Pont-Aven ; le 4 juin, les urnes cantonales sont brûlées à Pont-l’Abbé ; le 8 juin, près de 4 000 paysans bloquent la ville de Morlaix et investissent la sous-préfecture.
L’arrestation le soir même d’Alexis Gourvennec et de Marcel Léon, les deux leaders de la manifestation, galvanise la colère des paysans bretons. Barrages de routes, sabotages de poteaux électriques, défilés de tracteurs, les manifestations de solidarité gagnent toute la Bretagne et bientôt le pays tout entier.
Le CNJA donne un avertissement aux « meneurs » finistériens. Quant à la FNSEA, elle exprime « sa totale solidarité » avec eux. Après l’extension des manifestations à Rennes, puis dans le Gers, les dirigeants de la FNSEA qui ont toujours craint la création d’une fédération bretonne susceptible de contrebalancer la puissante fédération du bassin parisien remettent « un cahier minimum de revendications professionnelles » au Premier ministre. Ils demandent entre autres l’application de la loi d’Orientation et la garantie d’un revenu agricole.
En dehors de toute politisation
Des mouvements d’extrémistes tentent de politiser les manifestations, mais les paysans demeurent étrangers à toute préoccupation politique ; une attitude qui étonne les observateurs. Il faudra attendre le 22 juin et la libération des leaders, portés en triomphe par près de 10 000 paysans, pour que le mouvement s’apaise.
Extension des règles en 1962
Les dirigeants de la Sica décident de s’adresser solennellement aux pouvoirs publics pour les forcer à prendre enfin les mesures depuis longtemps attendues : attribution des aides du Forma (Fonds d’orientation et de régulation des marchés agricoles) exclusivement aux groupements reconnus de producteurs ; mise en œuvre immédiate dans la zone de Saint-Pol-de-Léon de l’extension obligatoire des disciplines de commercialisation à tous les producteurs appartenant à cette zone.