Deux poids, deux mesures pour le soja

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Le soja reste l’oléagineux le plus cultivé au monde, avec une production record de 338 Mt attendue en 2016-2017. Le colza et le tournesol sont loin derrière, avec respectivement des récoltes de 62 Mt et 48 Mt.

Malgré la faible teneur en huile du soja (20 % contre 50 % pour le colza et le tournesol) et sa mauvaise image (déforestation, OGM), le succès de cet oléagineux est planétaire. Il possède en effet un profil en acides aminés et une concentration en protéines qui le rendent incontournable en alimentation volailles et aquacole (les deux productions animales du XXIe siècle). Le recours au soja, à la fois pour la fourniture d’huile et de protéines, entraîne le développement d’un commerce prioritairement tourné vers la graine dans les pays en développement. Ces derniers triturent sur place, ce qui limite, de fait, les flux de tourteaux. Cela explique pourquoi les importations mondiales de tourteaux sont passées de 37 Mt en 2000-2001 à 68 Mt en 2016-2017, quand celles de graines progressaient dans le même temps de 51 Mt à 141 Mt. D’ailleurs cette saison, face à une hausse programmée de près de 6 Mt des exportations mondiales de graines, celles des tourteaux pourraient atteindre, au mieux, 1,4 Mt supplémentaire.

Le marché de la graine n’est pas celui du tourteau

Depuis le mois dernier, les prévisions sur les récoltes brésilienne et argentine se sont améliorées, permettant d’espérer 10 Mt de plus de graines de soja que l’an dernier en Amérique du Sud. Cette hausse fait suite à la progression de 16 Mt de l’offre de l’hémisphère nord (USA essentiellement). Au total, ce sont donc au moins 26 Mt supplémentaires de soja qui seront produites cette saison, dont environ 1/3 sur la deuxième partie de campagne. La demande progressant moins vite que l’offre, les analystes tablent sur une hausse des réserves mondiales de graines en fin de saison, et un ratio stocks/ consommation qui pourrait atteindre 27 %, un niveau historiquement élevé.

Pour autant, cela ne représentera pas nécessairement un facteur baissier pour le marché des tourteaux. Car de nombreux facteurs peuvent limiter le négoce des coproduits en 2017, comme la rétention des graines en Argentine, la hausse du real et la logistique au Brésil, les incertitudes sur les ventes de biodiesel aux USA, la faiblesse de la demande (grippe aviaire, concurrence des autres protéines), etc.

L’Argentine, le spécialiste 'tourteaux'

Reste l’Argentine, qui s’affirme comme le véritable fournisseur mondial de tourteaux (32 Mt contre 15 Mt pour le Brésil et 11 Mt pour les USA en 16/17). La mise à disposition des farines de soja dépend avant tout de la demande en biodiesel du pays, qui pilote le rythme de la trituration locale. Or ce sont les exportations du biocarburant vers les USA qui tirent aujourd’hui le secteur, le marché local étant embryonnaire. Il existe beaucoup d’incertitudes sur l’activité des triturateurs argentins en 2017. Aux USA, le flou reste total sur les réceptionnaires des subventions aux biocarburants (mélangeurs ou producteurs). Cela peut avoir un fort impact sur le niveau des exportations argentines.

Quant à la demande en tourteaux, elle est historiquement faible dans le pays (7 % des débouchés) et la crise économique qui ralentit le développement des productions animales locales, rend les triturateurs encore plus dépendants de la demande mondiale de coproduit. Malgré une récolte en baisse, les stocks de graines permettraient de répondre à la demande mondiale de tourteaux, si elle augmentait. Mais pour cela, il faudrait que les consommateurs mettent la main au porte-monnaie. Car l’inflation alimentaire et le niveau actuel du peso n’incitent pas les producteurs à lâcher leurs graines. Il faudrait donc des marges de trituration bien meilleures pour espérer une mise au marché de tourteaux argentins identique, voire supérieure à l’an passé.

Le Brésil et les USA sont des vendeurs de graines

Les nouvelles concernant le Brésil (ampleur de la récolte en cours) et les USA (semis de printemps) ont d’abord un impact sur le prix de la graine, car ces deux producteurs en sont les principaux vendeurs. Les investisseurs étant plus largement positionnés sur le soja que son coproduit, cela rend aussi chaque information plus impactante pour la graine.
En Amérique du Sud, la hausse de la production sera le fait du Brésil, et profitera essentiellement aux exportations de graines plutôt qu’à celles de tourteaux. Le pays s’affirme en effet comme le grenier de la Chine et chaque graine produite en plus prend le chemin des ports chinois. Malgré une récolte en hausse, les disponibilités en tourteaux brésiliens risquent donc d’être encore limitées sur la campagne en cours.

En ce qui concerne les USA, les dernières prévisions sur les semis de printemps sont très optimistes mais devront être validées fin mars (enquête). La hausse des surfaces aura cependant un poids plus faible que les rendements qui pourront être réalisés cette saison. Ainsi, rien n’est joué pour la future campagne. Les stocks de report seront, quoi qu’il arrive, très élevés, ce qui nous met à l’abri d’une flambée des prix de la graine. Mais cette saison l’a confirmé, les USA ne se positionnent pas plus à la vente de tourteaux lorsque leurs silos sont pleins. Il faut pour cela que les acheteurs payent le prix…

L’UE, premier importateur de tourteaux

La Chine est de loin le premier acheteur de graines, avec 88 Mt attendu en 2016-2017. L’Union européenne (UE) arrive en deuxième position mais loin derrière, avec 14 Mt. Viennent ensuite le Mexique (4,2 Mt) et le Japon (3,2 Mt). Avec 63 % du commerce mondial, les Chinois sont donc scrutés à la loupe par les analystes de marché. Les acheteurs de tourteaux sont globalement plus nombreux, mais représentent de plus petits tonnages. L’UE reste de loin le premier importateur du coproduit (21 Mt) suivi des dragons asiatiques comme le Vietnam (5 Mt), l’Indonésie (4,4 Mt), la Thaïlande et les Philippines (2,7 Mt chacune) et la Corée du Sud (2,1 Mt). Le Mexique est au marché pour 2,4 Mt. Les pays africains progressent régulièrement, et actuellement, l’Égypte (1,6 Mt) et l’Algérie (1,5 Mt) sont en tête. Enfin, l’Iran progresse rapidement, avec 1,7 Mt attendu en 2016-2017. Lorsque la dynamique est enclenchée dans certains pays, elle est souvent temporaire et précède un investissement dans la trituration qui reportera les achats sur la graine.

Le retour de l’Inde

Suivre l’offre et la demande mondiale de graines de soja ne suffit donc pas pour anticiper le marché du tourteau. D’ailleurs, alors que toutes les informations convergent actuellement vers la récolte sud- américaine en cours pour anticiper le cours de la graine de soja, c’est le retour de l’Inde qui permettra aux négociants en tourteaux d’être un peu mieux approvisionnés… En effet, on note une amélioration de la production indienne, qui avait été impactée par deux sécheresses consécutives. Le pays pourrait offrir 1, 4 Mt de plus de coproduit cette saison, pas de quoi révolutionner le marché cependant.


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