Patrick Morin a développé une méthode originale de dressage de chien d’arrêt qu’il présente dans un livre nouvellement paru. Il a prouvé l’efficacité de son dressage lors de démonstrations au Salon de l’agriculture.
À l’élevage de Keranlouan, sitôt les visites annoncées par les aboiements de plus de 80 Épagneuls bretons, le calme revient très vite. Un peu à l’écart du chenil, les chiots derniers-nés sont repus après la dernière tétée et se reposent bien au chaud, affalés sur leur plaque chauffante, en attendant d’être suffisamment grands pour aller explorer le monde.
Du jeu à la passion
Dans quelques jours, ils vont commencer à découvrir le parc herbagé adjacent à la maternité. Insouciants et de nature curieuse, ils vont s’acharner à attraper ces jolies perles de rosée illuminées par le soleil levant du matin. En pure perte ? Sûrement. Mais comme des renardeaux sortant de leur tanière, ils vont chaque jour mettre à profit leur instinct de réflexion pour faire face à toutes ces nouvelles sensations, s’éloignant petit à petit de la nurserie en compagnie de leur mère, avant le sevrage progressif à l’âge de 6 à 8 semaines.
[caption id= »attachment_26035″ align= »aligncenter » width= »680″] Patrick Morin, éleveur d’Épagneuls bretons.[/caption]
À leur première « grande » sortie, dans un nouvel environnement insolite et inconfortable pour leurs doux coussinets, ils vont tout de suite baisser la tête vers le sol pierreux. Apeurés, intrigués, ils vont pousser de petits gémissements, comme une envie de pleurer. Le rituel est à chaque fois le même, observe Patrick Morin. Et dure de 30 secondes à 1 minute 30, selon les conditions atmosphériques. Et petit à petit, en relevant la tête, attirés par le mouvement du plus téméraire, ils vont redécouvrir « leur deuxième maman », la personne qui les amenait téter leur mère pendant la phase de sevrage.
C’est le début de la connexion entre l’éleveur dresseur et ses chiens, qui rentre pour 60 % dans la notion d’obéissance pour un chien, le dressage faisant le reste, explique le cynophile. En les mettant très tôt en contact avec la nature, et en les aidant à développer leurs qualités naturelles de base, il va développer chez eux l’instinct de course à la poursuite, et progressivement l’éleveur va donner envie à ses chiots de lui obéir. « C’est alors le début d’un échange permanent entre le chien et l’Homme, où chacun cherche à faire plaisir à l’autre. Je souhaite à tous les éleveurs de chien de connaître ces moments-là. Mais cela se mérite », insiste-t-il.
Les chiens aboient et la caravane passe
La méthode d’éducation canine originale mise au point durant toute sa carrière par Patrick Morin lui a valu quelques railleries. Car c’était « une « révolution ». La douceur et la compréhension du chien comme bases d’éducation plutôt qu’une obéissance forcée basée sur un dressage dictatorial.
En fait, Patrick Morin a observé l’attitude de ses animaux et leur a donné la parole. Et ceci dès son plus jeune âge, dans l’élevage familial déjà bien aguerri aux concours canins. Mais petit à petit, il s’éloignera de la méthode traditionnelle de dressage de son père, basée sur l’intonation autoritaire de la voix et un dressage à la force des poignets. Pour cela il va créer sa propre démarche, plus axée sur la philosophie canine. « Quand on crie sur un chien, c’est tout le cheptel qui est puni, sans que les chiens comprennent pourquoi. Ils rentrent ainsi en conflit avec le maître et on bride le développement naturel de leurs capacités. » La première place nationale en compétition de travail dans les années 90 et la première place mondiale dès 2000 dans ces concours, avec au final plus de 120 champions de travail proclamés ont fini de convaincre les plus sceptiques.
« Les chiots ont un langage »
À l’âge de 12 ans, il se prend d’affection pour des chiots plus chétifs, considérés comme des « tocards » par son père, car ils le craignaient. « Quand mon père s’est défait du premier « tocard » que j’avais commencé à éduquer, j’ai décidé que je mettrais ma vie au service de ces chiens ». Après chaque sortie, les chiots partagent leur expérience : par exemple les craintifs demandent aux plus téméraires s’ils n’ont pas eu peur dans le bois de cette chose brillante et froide qui court toujours dans le même sens (une petite rivière).
Suite à leur échec, ils vont être rejetés par le groupe… « Mais ils vont finir par relever la tête pour ne pas rester à part et, les prochaines fois, ils passeront les premiers le ruisseau », observe-t-il. « Je ne leur demande pas de faire des prouesses. Le plus important, ce sont les efforts qu’ils font pour réaliser les performances que je leur propose au cours de leurs trois sorties par semaine.» Il encourage les efforts réguliers et progressifs de ses chiots qui pourront à terme rattraper et dépasser ceux qui avaient des facilités au départ et qui pourraient se relâcher. Une philosophie qui s’applique bien au-delà de la sphère canine.
Informations
- Patrick Morin, 06 83 40 22 96, www.keranlouan.com
- Les secrets de Keranlouan, 208 pages, 19,50 €, Éditions Récits, www.vosrecits.com.
- Démonstrations et dédicace du livre, 18 mars, le matin à Intermarché de 9 h à 13 h et l’après-midi à la maison de la presse de 14 h à 18 h 30 à Callac, la maison de l’Épagneul breton sera ouverte de 16 h à 18 h 30 gratuitement.