L’utilisation des produits organiques est un atout essentiel pour la compétitivité de la culture du maïs dans notre région. À la veille des premiers chantiers de préparation des terres, voici un rappel des préconisations pour en tirer le meilleur profit.
La majeure partie de l’azote des fumiers est sous forme organique et nécessite une transformation pour devenir accessible par les plantes sous forme minérale. Cette minéralisation de l’azote organique dépend des conditions d’humidité et de température du sol. Un suivi de la minéralisation du fumier de bovins, réalisé sur 5 sites, a montré qu’une durée de 150 jours normalisés à 15°C était nécessaire pour disposer du maximum de l’azote disponible du fumier pour les plantes. Les besoins en azote du maïs deviennent importants à partir de 8-10 feuilles et ils sont au maximum autour de la floraison.
Les fumiers avant le 15 mars
En pratique, on conseille d’apporter les fumiers avant le 15 mars pour obtenir un effet direct de l’azote et une bonne valorisation sur la culture du maïs. Si les sols ne sont pas suffisamment ressuyés avant cette date, il évidemment préférable d’attendre, au risque de provoquer des tassements très préjudiciables à l’enracinement de la culture. À noter qu’avec une fertilisation organique sous forme de fumier de bovin, un complément d’engrais minéral à hauteur de 40 à 50 unités est le plus souvent valorisé.
Tout apport de fumier est suivi d’une phase d’organisation où l’azote est immobilisé dans les matières organiques du sol. L’importance et la durée de cette phase dépendent de l’équilibre entre le carbone et l’azote total contenu dans le fumier. Pour les fumiers très pailleux (rapport C/N élevé) l’immobilisation est importante et intervient au cours des 2 mois suivant l’apport. Ainsi, l’azote des fumiers sera moins bien valorisé pour des apports réalisés à proximité des semis. Pour les fumiers pailleux, cela risque d’induire des effets dépressifs sur la culture, liés à l’organisation de l’azote qui ne sera pas terminée au stade 8-10 feuilles, début de l’absorption importante de l’azote par le maïs.
Lisier de porcs et fumier de volailles à enfouir rapidement
La forme ammoniacale constitue la majeure partie de la fraction azotée présente dans les lisiers de porcs et les fumiers de volailles. Cette forme d’azote est soumise au phénomène de volatilisation dans l’atmosphère qui débute immédiatement après épandage. Ce processus rapide est fortement lié aux conditions climatiques. Ainsi, un épandage sur sol sec, un temps venté et chaud favorise le phénomène. Au final, la volatilisation peut parfois affecter plus de 50 % de l’azote ammoniacal lorsque les conditions climatiques sont défavorables. Un enfouissement rapide, doit donc être réalisé le plus vite possible après épandage, au plus tard dans les 2-3 heures, afin de limiter au maximum les pertes d’azote.
Les fumiers et lisiers sont proches des engrais minéraux en P et K
Le phosphore est présent dans les fumiers sous forme organique et minérale. Sa valeur fertilisante à court terme pour la culture réceptrice correspond à 80 % de celle d’un engrais minéral soluble (superphosphate ou phosphate d’ammoniac), mais cette valeur fertilisante à court terme n’est à prendre en compte que dans les sols pauvres où l’apport de phosphore est nécessaire. A moyen terme on considère que le phosphore du fumier de bovins a la même aptitude à entretenir la biodisponibilité du phosphore que des engrais minéraux solubles. De même, les fumiers de volailles et les lisiers de porcs ont des valeurs fertilisantes en phosphore correspondant à celles d’un engrais minéral soluble.
Dans les sols bien pourvus en phosphore (qui correspondent à la grande majorité des sols agricoles de Bretagne) on se base donc sur une valeur fertilisante à moyen terme des fumiers et lisiers correspondant à 100 % de celle d’un engrais minéral soluble.
La potasse contenue dans tous les engrais de ferme (fumiers, lisiers, compost) est équivalente à celle d’un engrais minéral. Pour les parcelles en rotation fourragères sans pâturage (maïs, prairies fauchées), les exportations en potasse sont importantes et peuvent être supérieures aux apports sous formes de fumiers ou lisier. Dans ces situations, pour anticiper le risque de carence, fortement préjudiciable à la production, on veillera à établir régulièrement un bilan minéral, complété utilement par une analyse de terre tous les 4 à 5 ans.
Pas d’apport systématique de chaux
Malgré une idée reçue encore largement répandue, l’apport de déjections animales n’a pas tendance à acidifier les sols. C’est même le contraire qui se produit le plus souvent. Cette crainte semble se fonder sur des observations anciennes, liées à des pratiques d’apports d’effluents d’élevages ne prenant pas ou peu en compte la valeur fertilisante en azote de ces produits. Ces pratiques conduisaient à des pertes de nitrate par lessivage plus importantes, à l’origine de l’acidification du sol. Heureusement les pratiques ont fortement évolué, avec une meilleure prise en compte de la valeur des déjections animales conduisant à leur répartition sur l’ensemble de l’exploitation. De plus, la pratique généralisée des cultures intermédiaires a fortement réduit le lessivage hivernal des nitrates et donc l’acidification des sols.
Des résultats récents d’essais et de suivis en parcelles agricoles de longue durée, notamment sur l’exploitation d’Arvalis à La Jaillière (44), ont confirmé la valeur amendante des déjections animales. Dans une rotation maïs fourrage- blé, avec apports réguliers de fumier de bovins, un chaulage d’entretien de moins de 100 kg CaO/ha/an suffit à maintenir le pH dans la plage optimale conseillée, entre 6 et 6,5. Le suivi régulier de pH (au moins tous les 5 ans) doit permettre aux agriculteurs de s’assurer de cette valeur amendante selon la régularité de leurs apports organiques. Il est ainsi possible d’adapter la stratégie de chaulage en conséquence.
Éric Masson – Michel Moquet, Arvalis institut du végétal