Prairies : le déprimage, phase essentielle d’un bon début de saison

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Florent Cotten, conseiller chez PatûreSens, revient sur l’importance du premier passage des animaux sur les prairies qui concorde avec une phase physiologique essentielle des plantes. Un déprimage à bien planifier pour ne pas se retrouver à court d’herbe plus tard. 

Les températures douces (mesures moyennes de 30 exploitations bretonnes : 8,2 °C au sol fin février ; 9,5 °C début mars*) et les pluies régulières de ces dernières semaines sont propices au bon déprimage des prairies. L’hiver est la période de l’année où le pâturage sous le stade 1 500 kg de MS / ha d’herbe endommage peu la repousse des graminées productives (ray-grass, fétuque). Les réserves énergétiques (sucres solubles) des plantes sont alors concentrées au niveau de la gaine en raison d’une faible dynamique de croissance et du peu de consommation d’énergie liée aux températures froides*.

Un déprimage précoce et ras favorise le tallage des graminées et donne de la lumière au trèfle blanc. 

Crucial, ce premier pâturage précoce et ras autour de 3 cm (soit l’équivalent de 1 200 à 1 300 kg de MS / ha), compatible avec une repousse vigoureuse, a deux vertus essentielles. D’abord, il stimule chez les graminées la production de nouvelles talles à la base de la talle principale en faveur de la densité des prairies et d’une meilleure couverture du sol, tout en conservant un maximum de graminées productives (d’après les résultats de Korte C. et al., 1984). Ensuite, il offre de la lumière au trèfle blanc. Les stolons développés au cours de la saison dernière ayant été enterrés par l’activité des lombrics (turricules) et le passage des animaux à l’automne précédent sont restés tout l’hiver sous terre. Par la reprise de croissance et leur allongement, ils vont alors émerger de nouveau à la surface du sol.

Rechercher un chargement important au premier passage

Par contre, à cette saison, il est important de limiter la sélectivité des bovins qui pâturent. Une forte concentration d’animaux permettra de limiter ce phénomène tout en maintenant une très bonne dynamique de repousse de la prairie (importance du temps de séjour court). On recherche un chargement moyen instantané par 1/2 journée de l’ordre de 200 UGB / ha (0,5 are/ VL). Par cette méthode, seule de la flore de qualité et compétitive pour la lumière se développera (graminées productives et trèfle blanc). Les conditions météorologiques actuelles permettent d’observer ces repousses dès 2 ou 3 jours après pâturage.

Sans cela, les risques de laisser trop de résiduels à cette période sont réels. Cela entraînerait alors une réduction de la qualité de l’herbe au prochain tour et une diminution de la consommation des animaux. Ainsi qu’un manque de luminosité au pied de la prairie limitant ainsi la densité de la prairie et la proportion de  légumineuses.

Apport d’azote après déprimage

L’azote est un élément critique limitant la croissance et la production des plantes. Il est un composant majeur de la chlorophylle, le pigment le plus important nécessaire à la photosynthèse, et des acides aminés, les principaux éléments constitutifs des protéines. La dynamique de croissance des plantes devient significative avec les températures de sol actuelles. L’application d’azote (organique ou minéral) après le premier pâturage à hauteur de 20 à 30 unités sera pleinement valorisée par la plante.

Une réponse oscillant entre 7 et 10 kg de MS de pousse par kg d’azote apporté est attendue. Cela permet de réduire le temps de retour sur les premiers paddocks. Cette période est aussi celle où le trèfle fixe le plus d’azote grâce à la croissance de son système racinaire. Et pour le valoriser, il faut le pâturer. Sachant que la dynamique de croissance, à laquelle est liée la valorisation de l’azote, est aussi influencée par le mode de pâturage, plus le temps de séjour des animaux sur le paddock sera court, meilleure sera la dynamique de repousse.

Donc sortir les vaches à la prairie et laisser de faibles résiduels, c’est bien. Mais anticiper pour s’assurer une fourniture d’herbe en continu jusqu’à la pleine pousse, c’est encore mieux. La  mise en place d’un plan de déprimage intégrant la ressource présente et la dynamique de pousse journalière permettra d’atteindre cet objectif. En d’autres termes, il est possible d’alimenter son troupeau à hauteur de 30 à 60 % de la ration jusqu’à fin mars (30 à 50 % début mars, pour monter à plus de 60 % à la fin mars). Avant de redémarrer un deuxième passage rapide avec un chargement instantané toujours important (100 UGB / ha ou 1 are / VL) jusqu’au 10 – 20 avril selon la zone où l’on se situe, en visant 70 à 90 % de la ration provenant du pâturage.  

Concrètement, cette stratégie de gestion devra tenir compte du couvert moyen sur son exploitation (kg de MS disponible par hectare), de la surface à déprimer (nombre d’hectares de disponible), de la dynamique de repousse journalière (kg de MS de pousse /jour) en relation avec les besoins du troupeau (kg de MS).  

* Température du sol : relevé de température dans les 5 premiers centimètres de sol, en début d’après-midi, autour de la mi-février à Languidic, Pontivy, Gourin, Questembert, Saint-Barthélémy, Camors, Guidel (56), Saint-Yvi, Saint-Évarzec, Briec, Landerneau, Crozon (29), Loudéac, Merdrignac (22), Vitré, Fougères, Domloup, Plélan-le-Grand (35), Derval, Guérande (44).


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