« Ta ferme ne vaut pas une vie ». Cette simple phrase, ô combien lourde de sens, lui a suffi pour ne commettre l’irréparable, témoignait récemment Olivier, ex-agriculteur d’une quarantaine d’années dans la Manche. Ses parents avaient trouvé les mots justes pour décharger leur fils de la responsabilité que ce dernier pensait devoir porter sur ses épaules : assurer la transmission de la ferme familiale léguée de génération en génération. Trop d’agriculteurs en détresse n’ont pas cette chance d’entendre ce type de parole salvatrice. Ou ne peuvent plus l’entendre tant leur misère psychosociale est grande.
Longtemps tabou, le suicide fait des ravages dans le monde agricole. Chaque agriculteur breton peut aujourd’hui citer le nom d’un voisin, d’une connaissance ou d’un proche qui est passé à l’acte. Plusieurs études françaises et internationales confirment « un excès de risque de décès par suicide chez les agriculteurs ». Le dernier rapport de l’agence Santé Publique France montre que le risque est plus élevé chez les hommes, de 45 à 54 ans, exerçant dans le secteur d’élevage bovin laitier.
Les agriculteurs en difficulté parlent d’abord de leur mal-être.
Les causes du suicide sont souvent multifactorielles. Aux causes professionnelles se cumulent bien souvent des problèmes personnels, familiaux, de couple, voire de grande solitude. L’association Solidarités Paysans qui vient en soutien aux agriculteurs en difficulté observe d’ailleurs que les personnes qui frappent à sa porte parlent désormais en priorité de leur mal-être avant d’évoquer leurs problèmes économiques. Ils viennent chercher l’écoute qu’ils n’ont pas eue dans leur environnement proche ; et encore plus rarement de la part de leurs voisins agriculteurs plus préoccupés par la reprise du foncier que par le soutien à l’autre. Pourtant, « une vie vaut plus qu’une ferme ».