L’Europe occupe peu de place dans la campagne présidentielle française. Sauf peut-être quand il s’agit de la huer dans les meetings. Il est vrai qu’à force d’avoir d’abord vu l’Europe comme un simple espace économique, cela affaiblit son dessein originel. Qu’elle semble parfois bien loin l’idée des instigateurs de cette grande union des peuples qui voulaient en faire un espace géographique singulier où les habitants partagent des valeurs sociétales communes qui ne sont pas forcément celles de la Chine ou des États-Unis.
L’Europe imaginée par les pères fondateurs, c’est aussi, d’abord, une histoire de civilisation. C’était. Car sur ce plan, c’est un semi-échec. Parce que l’Europe n’a pas su insuffler une dimension émotionnelle forte d’appartenance à un espace culturel unique de valeurs partagées, trop d’Européens n’aiment pas l’Europe. Ils la voient plus comme la cause de leurs problèmes que de leur bien-être. De ce semi-échec, on prête souvent cette formule apocryphe à Jean Monnet : « Si c’était à recommencer, ce serait par la culture ». Et il est vrai que, où l’Europe enregistre ses meilleurs succès, c’est auprès des lycéens et étudiants qui saisissent la chance de rencontrer des jeunes d’autres pays grâce au programme d’échange Erasmus.
Dans la majorité des cas, ils reviennent enchantés par la richesse des rencontres et la conviction que l’Europe est leur village de demain. En votant à 61 % contre le Brexit, les jeunes Britanniques partagent cette conviction. Les chiffres ne donnent pas tort aux jeunes : l’Europe concentrait 25 % de la population mondiale il y a un siècle ; dans 20 ans, elle ne représentera que 1/20e. L’idée qu’un monde fermé et renfermé sur lui-même est la clé du bien-être de demain est une idée de « vieux esprits » qui rêvent d’un vieux monde qui n’existe plus.