Depuis l’été dernier, la conjoncture porcine s’est inversée. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance notamment la demande asiatique et une production moins dynamique en Europe. Le dernier bon cycle en production porcine date de près de 10 ans ! Après une année 2016 plutôt bien équilibrée, est-ce enfin un nouveau cycle de rentabilité qui se profile ?
La demande asiatique notamment en Chine a complètement bouleversé la donne en 2016. L’Union européenne (UE) a pulvérisé son précédent record d’exportation de 2015 (malgré l’embargo russe) avec une nouvelle hausse phénoménale de 23 %. Sans atteindre un niveau élevé, le prix du porc grimpe de plus de 5 ct d’€/kg sur un an pour s’établir à près de 1,29 €/kg en 2016 (1,45 € payé). Avec la tendance de prix actuelle, le prix du porc devrait se situer vers 1,40 à 1,45 €/kg sur 12 mois fin juin.
Ensuite, l’espoir des producteurs est de retrouver une situation proche de l’an dernier avec une poursuite de la forte demande à l’exportation (parité €/$ favorable), ceci avec une offre moins dynamique en Europe, sauf en Espagne dont la croissance semble néanmoins s’infléchir depuis quelques mois. Retrouver un cours moyen sur l’année 2017 proche de celui de 2012/2013 vers 1,45 à 1,50 €/kg semble largement possible dans le cadre actuel.
Quelques facteurs négatifs sont néanmoins à surveiller comme la baisse de consommation de viande notamment porcine, les suites de l’affaire Piffaut (Groupe Financière Turenne Lafayette) et les risques sanitaires. On note aussi quelques difficultés en Allemagne, pays qui influence fortement la tendance générale des prix.
Retour en arrière
Dépasser le seuil de 1,50 € sur un an est possible mais il faut rester prudent. D’abord, ce n’est jamais arrivé depuis près de 25 ans en euro courant. Le point haut le plus proche est en 2013 à 1,46 €/kg. La dernière grande année porcine avec un prix du porc élevé date de 2001 avec un prix du porc à près de 1,80 €/kg en valeur actualisée (cf graphique). Le positionnement du prix de l’aliment permet aussi de mieux comprendre les bonnes années (en vert foncé) et les années de crise (rouge foncé). La bonne période de 2005/2006 s’explique par un prix bas de l’aliment. Ensuite, le prix de l’aliment est devenu très volatil mais dans une tendance haussière d’où un manque de rentabilité sur les années 2009 à 2014 malgré une hausse de prix du porc en 2012/2013. Le retour de la rentabilité en porc en 2016 et les perspectives positives en 2017 sont très liées à un prix de l’aliment qualifié de « détendu » sans forte hausse envisagée dans les prochains mois. La prudence s’impose car les matières premières sont comme le lait sur le feu. Début 2017, le prix de l’aliment remonte doucement.
Intérêt de la technicité
Pour bien appréhender la rentabilité en porc, il manque dans ce graphique la technicité des éleveurs. Depuis 2001, l’IC moyen descend régulièrement (-0,35 point). La productivité progresse (+ 5 porcs par truie) et le poids moyen de vente des charcutiers grimpe (+ 9,5 kg). Sans l’amélioration technique, l’année 2016 serait dans le rouge foncé. Depuis près de 10 ans, elle a surtout servi à mieux résister à une conjoncture difficile. Aujourd’hui, les producteurs peuvent envisager de bénéficier pleinement de tout ce progrès. C’est bien la combinaison de la conjoncture des trois facteurs prix du porc/prix de l’aliment/technicité qui permet d’envisager une grande année porcine en 2017 proche de 2001.
Un bon cycle nécessaire
La prudence s’impose en matière de prévision car les événements imprévisibles sont souvent les facteurs explicatifs de la conjoncture porcine de ces dernières années. Une bonne année 2017 est nécessaire pour bien rééquilibrer les trésoreries des exploitations. Depuis l’été dernier, les chiffres s’améliorent mais la situation moyenne est loin d’être saine. Le contexte actuel permet même d’envisager deux bonnes années de résultats comptables et de retrouver une meilleure structure financière. Derrière un bon cycle, c’est toute la filière qui en bénéficierait avec une relance des investissements et une situation plus sereine pour préparer l’avenir.
Des objectifs majeurs sont à maintenir comme la recherche sur la valorisation du produit et une meilleure organisation de la filière… car la pression sur le prix du porc peut revenir. Elle sera toujours moins forte sur des produits différenciés et à plus forte valeur ajoutée.
Deux grands défis sont aussi à relever : la baisse régulière de la consommation de viande sur notre marché intérieur et la transmission de nombreuses exploitations dans les 10 ans.
Georges Douguet / CerFrance Côtes d’Armor