Benoît Rouyer, directeur Économie et territoires du Cniel, est intervenu à la session Chambre d’agriculture du Morbihan. L’occasion de faire le point sur la conjoncture.
Pourquoi le prix du beurre flambe ?
La collecte est en recul depuis l’été 2016 en Europe et dans les zones exportatrices. Le taux de matière grasse baisse dans l’Union européenne depuis 20 ans. L’image du beurre s’améliore dans les pays occidentaux (retournement du raitement médiatique) ; la chute de consommation est enrayée. De nouveaux marchés à l’export apparaissent. La Chine développe ses importations de beurre pour accompagner l’augmentation de la consommation de pâtisseries (4 fois plus en 2016 qu’en 2010).
Pourquoi le prix du lait au producteur ne remonte-t-il pas ?
Le prix remonte légèrement depuis l’été 2016. L’évolution du prix de la matière protéique sur les marchés de gros est moins dynamique. Les prix au détail n’ont pas encore intégré le revirement à la hausse de certains marchés. Les contrats sont de longue durée. Le rythme annuel est clôturé en fin février. (Les dernières négociations dans une coopérative de l’Ouest donneraient + 10 % pour le beurre, + 2 à 5 % pour les produits de grande consommation et 0 % pour l’ultra-frais, selon un administrateur).
Quid des stocks de poudre européens ?
Ils constituent une menace pour la reprise car ils sont conséquents. Les acheteurs sont dans une position attentiste. La commission joue son rôle en refusant de vendre à bas prix mais le marché de la poudre de lait écrémé est actuellement peu dynamique (baisse de 3 % des échanges mondiaux en 2016, après des années de hausse). La qualité des produits stockés diminue dans le temps…
Quel bilan de la réduction volontaire européenne ?
Seules les intentions de réduction déclarées à l’automne 2016 sont connues. Le bilan des réductions mises en œuvre au 4e trimestre 2016 ne l’est pas encore. On peut quand même constater que le dispositif a été actionné trop tardivement. La souscription a été massive dans les 27 pays membres (99 % du budget a été capté). Quels que soient les débats sur l’efficacité de la mesure, son activation est une réelle avancée politique. La ligne défendue par la France était loin de faire l’unanimité au printemps 2016. Phil Hogan, commissaire européen, n’est plus hostile au principe d’une régulation temporaire de l’offre, en période de crise. Certains pays libéraux, comme l’Allemagne, ont changé de posture. Que restera-t-il de ces interrogations lorsque les prix repartiront à la hausse ? Quoi qu’il en soit, la boîte à outils de l’UE s’est potentiellement enrichie d’un outil de régulation supplémentaire.
Quelles perspectives d’évolution de la collecte européenne en 2017 ?
La tendance à la baisse se poursuit en France et en Allemagne. Aux Pays-Bas, elle devrait se stabiliser voire régresser légèrement. Pour des raisons environnementales, un plan de réduction de 4 % du cheptel vaches laitières (par rapport à 2015) a été adopté. Mais, le nombre de vaches avait fortement augmenté auparavant (+ 7,5 % entre juin 2015 et juin 2016). De plus, l’application progressive de la réduction va induire des gains de productivité par vache et limiter la baisse de la collecte. Globalement, en UE, la baisse est de 2 à 3 % sur la période janvier-avril (augmentation des abattages, baisse de la qualité des fourrages et fonte des trésoreries entraînant des économies de charges opérationnelles). Après la mise à l’herbe, les volumes dépendront de la météo, du prix du lait et de la dynamique en zones de polyculture-élevage. Certains producteurs pourraient y être tentés de cesser la production…