À trop soutenir un maïs hors de prix, les réserves se sont accumulées et sont devenues la bête noire du gouvernement chinois.
Pendant longtemps, il a été interdit d’utiliser du maïs à des fins industrielles en Chine. Le pays devant assurer un maximum d’autonomie alimentaire avec un minimum de moyens (terres arables et eau), il était ainsi impensable d’utiliser la céréale pour en faire de l’éthanol ou des bioplastiques. Les choses ont bien changé.
Il y a tout juste un an, nous faisions le point sur l’évolution de la politique agricole chinoise au sujet du maïs. L’enjeu, pour le pays qui croulait sous les vieux stocks impropres à la consommation, était de taille. Il s’agissait, en diminuant le prix de soutien (très élevé) de la céréale, de réorienter les champs vers d’autres cultures. D’autres mesures comme des taxes à l’importation sur les coproduits céréaliers (DDGS*), les céréales (sorgho, orge) et l’éthanol, mais aussi des aides à l’utilisation industrielle de la céréale, devaient permettre d’apurer les réserves. Où en sommes-nous au bout d’un an ?
Un recul historique
Le premier constat est que les mesures prises il y a un peu plus d’un an semblent porter leurs fruits. La consommation des stocks à marche forcée va ainsi permettre de faire reculer les réserves pour la première fois depuis 5 ans, de 8 à 10 Mt à la fin de cette saison 16/17. Il restera 102 Mt tout de même en magasin, soit la moitié du stock mondial ! La chute pourrait être plus forte et s’accroître nettement en 17/18. En effet, les analystes tablent sur un nouveau recul des semis pour la récolte 2017 (arrêt du soutien à la production).
Le coup de pouce à la transformation industrielle (subventions, taxes à l’importation d’éthanol et aux DDGS, etc.) est une partie de billard à plus de trois bandes. Les Chinois, en limitant les importations, dégraissent leurs stocks internes de maïs, disposent de DDGS pour limiter la hausse des prix de l’alimentation animale, développent un nouveau business (HFCS*) à l’export et améliorent leur bilan environnemental (10 % d’incorporation d’éthanol dans l’essence à 10 ans). Le bilan chinois va donc profondément se modifier avec un poste industriel passant de 70 Mt à 100 Mt de maïs dans les prochaines années.
Mais tout n’est pas aussi simple. Si les importations de DDGS ont fondu en janvier / février (-78 %), il ne faut pas les enterrer trop vite. En mars, le prix rendu ports chinois (toutes taxes payées) des DDGS en provenance des USA par containers, restait inférieur à celui des mêmes coproduits chinois délivrés dans le sud du pays. La tentation reste donc grande de faire appel à ces substituts. Quant aux importations de maïs, elles pourraient rester cette saison, au même niveau que l’an passé (3,2 Mt). On note d’ailleurs une accélération des achats sur le premier trimestre 2017, à mettre en relation non seulement avec le différentiel de prix entre local et international, mais aussi avec des critères qualitatifs.
Cette présence au marché se fait principalement au profit de l’Ukraine, grande pourvoyeuse des 3 Mt importées en 2016 avec 89 % des volumes contre 7 % pour les USA. Cette origine monte en puissance, avec des contrats dont les termes de négociations (référence, devise) pourraient bien mettre les deux pays à l’abri de la volatilité américaine. C’est un élément de marché important à prendre en compte pour l’UE, structurellement déficitaire, avec comme fournisseur privilégié, l’Ukraine !
Le jeu des parités monétaires reste un élément de l’équation très important à prendre en compte dans la stratégie chinoise. Dans la mesure où le gouvernement souhaite continuer à dévaluer son yuan pour livrer une guerre commerciale notamment avec les USA, il est clair que toute baisse de la devise chinoise renchérit les importations de produits agricoles libellés en dollars (inflation importée). Passer des accords dans d’autres devises ou bien faire du « troc » est une stratégie gagnant-gagnant pour les contractants, mais qui opacifiera la lecture des marchés internationaux à terme.
Le bon choix
Au final, les Chinois semblent avoir trouvé la meilleure porte de sortie pour leurs stocks de maïs, via le secteur de l’éthanol et des bioplastiques. Cette solution est la moins déstabilisante pour les prix mondiaux, même si elle représente un facteur baissier pour le marché international des céréales fourragères cette saison (surtout orge et sorgho). Mais à terme, les forts besoins du pays devraient relancer la machine. Les importations de maïs pourraient donc reprendre, mais cette fois, les USA seront les seuls à gérer le soutien des prix en cas de surplus mondial.
Quand le maïs déstabilise le sucre
* drèches d’éthanolerie de maïs
**High Fructose Corn Syrup ou isoglucose