La future politique agricole se jouera-t-elle au niveau local, dans les intercommunalités ou au niveau européen ? La question a fait débat
au congrès national de la Confédération paysanne, la semaine dernière à Muzillac (56).
À l’heure où l’on parle de la suppression de certains échelons de décision politique, comme les départements, Olivier Dulucq, enseignant à Sciences Po Rennes, assure que l’intercommunalité aura un pouvoir essentiel dans les années à venir sur la politique de l’eau, du foncier et de l’alimentation. « Les territoires où les filières de qualité et les circuits courts se sont le plus développés sont ceux où la population locale s’est le plus investie ». Le phénomène se poursuivra, selon le chercheur.
« Les EPCI (Établissement public de coopération intercommunale) deviendront des lieux de concertation et de proposition, y compris pour les questions agricoles. Le système défendu par la Confédération paysanne semble plus proche du territoire, plus à même de répondre à la nouvelle demande sociétale. Le syndicat majoritaire reste dans une logique de co-gestion au niveau national », assure-t-il devant un auditoire conquis.
Agriculture à bas coût
Pour Aurélie Trouvé, agro-économiste, l’économie locale et solidaire est nécessaire mais les échelons européen et national restent incontournables pour changer de politique agricole. « Nous devons nous protéger aux frontières, d’une agriculture à bas coût. Les accords de libre-échange, en cours (Ceta), doivent être interrompus ; les pays concernés ne respectent pas les mêmes normes sanitaires et environnementales ». L’échelon national reste également incontournable. « En France, plus l’agriculteur pollue, plus il reçoit d’aides. En Allemagne et au Royaume-Uni, c’est l’inverse : plus l’agriculture est vertueuse, plus elle est subventionnée. C’est donc que les gouvernements ont un pouvoir, notamment dans la mise en œuvre de la Pac ».
Elle met en garde contre le risque de dualité au niveau de l’alimentation et des territoires. « D’un côté, il y aura quelques territoires qui bénéficieront d’une alimentation de qualité comme dans les cantines du 5e arrondissement de Paris où les enfants mangent bio et ceux, tout proches, dans le 93, où consommer bio semble impossible. De même, il y aura des zones agricoles grises où on produira des grands volumes à basse qualité (grandes cultures, élevages concentrés) et des zones vertes à l’agriculture multifonctionnelle ». Pour l’agro-économiste, le bio et les circuits courts doivent devenir le modèle dominant pour que l’ensemble de la population en profite. Là aussi, l’échelon européen est incontournable. « L’approvisionnement des cantines des collectivités est un exemple : il faut contourner les lois européennes (droit de la concurrence) pour pouvoir acheter des produits locaux ». Un comble !
Disparition des paysans
Laurent Pinatel, porte-parole national du syndicat, ne peut qu’acquiescer. « Même si cela ne s’entend pas au niveau des programmes des candidats à l’élection présidentielle, il n’y a pas de politique plus importante que l’alimentation. Nous faisons la preuve que les systèmes alternatifs sont crédibles. Notre modèle s’oppose à la logique de modernisation à outrance de l’agriculture, défendue par nos opposants, qui pousse au surendettement, à l’impossibilité pour les jeunes de reprendre les fermes et à la disparition des paysans ».