Pour montrer comment s’instaurent des habitudes inutiles – et absurdes –, des chercheurs ont mené une expérience avec des singes enfermés dans une cage. Au centre de cette cage est installée une échelle dont le sommet est coiffé de bananes.
Un premier singe s’y aventure pour se délecter des fruits. Ses congénères restés au sol sont arrosés d’eau froide par les chercheurs. Puis, après un temps d’adaptation, à chaque fois qu’un singe entreprend de monter l’échelle, les autres le frappent. Si bien que plus aucun singe n’ose aller cueillir les bananes.
Au fil de l’expérience, les chercheurs remplacent un singe du groupe initial par un nouvel individu qui ne tarde pas à son tour à vouloir se hisser sur l’échelle. Il se fait aussitôt menacer par les autres singes. Au fur et à mesure de l’expérience, tous les animaux du groupe d’origine sont progressivement remplacés par un nouveau primate. Jusqu’à ce que plus aucun singe n’ait jamais été arrosé d’eau froide.
Et pourtant, c’est à chaque fois le même scénario : tout nouveau singe qui tente d’aller à l’assaut des bananes est tancé par les autres, alors même que le seau d’eau froide a été retiré. Bref, une culture du comportement s’est installée dans la cage.
Le parallèle est vite fait avec les entreprises et les administrations : des règles sont appliquées, des habitudes sont scrupuleusement respectées, mais plus personne n’en connaît le sens et l’intérêt. Si les singes jamais arrosés au cours de l’expérience avaient autorisé les nouveaux venus à monter jusqu’au sommet de l’échelle tout le groupe se serait régalé du fruit de l’audace des jeunes. Les chercheurs parlent de « théorème du singe » pour qualifier ce comportement routinier, ennemi de l’adaptation et de la création de valeur.