John Comer, producteur de lait, est président d’ICMSA (Irish creamery and milk supplier association), une organisation syndicale spécialisée dans la défense des producteurs de lait. À ce jour, ICMSA compte 15 000 membres répartis dans l’ensemble du pays. ICMSA est membre de l’European Milk Board (EMB).
Comment est-ce que les éleveurs irlandais ont vécu la chute du prix du lait, en 2015-2016 ?
John Comer : Le prix est descendu jusqu’à 20,5 centimes/litres. Nos coûts de production ont augmenté en 5 ans. On a beaucoup d’éleveurs qui sont entre 25 et 30 centimes/litre, hors rémunération de la main-d’œuvre. Il n’aurait pas fallu que cela dure 6 mois de plus. Pour nous, le marché est remonté juste à temps. Si cela avait duré plus longtemps ça aurait été l’hécatombe en Irlande, et dans le reste de l’Europe. Ceux qui ont été les plus touchés sont ceux qui s’étaient agrandis trop rapidement sans réfléchir. Typiquement, des jeunes de 25-30 ans plein d’enthousiasme et d’énergie. Ils sont surendettés et très sensibles à la variation du prix. Notre responsabilité est de leur donner les moyens de mieux gérer cette volatilité.
Les quotas disparus, quels seraient les outils à développer pour amortir la volatilité ?
J. C. : Pour nous, la fin des quotas était une bonne chose. Cela a permis à des fermes qui étaient restées bloquées depuis 35 ans de développer leur production. Maintenant, on sait que les politiques de libre-marché sont désastreuses pour l’agriculture. Pour amortir la volatilité, il faut rechercher l’adéquation entre l’offre et la demande. C’est pourquoi nous avons poussé pour que le plan d’aide à la réduction volontaire soit accepté. Son effet a été immédiat. Je pense que depuis, à la Commission européenne, les mentalités ont évolué.
Pour gérer la variation des prix, beaucoup parlent d’assurances-marges ou de marché à terme du lait …
J. C. : En effet. Nos responsables européens ont compris qu’ils étaient passés à deux doigts de la catastrophe. Ils cherchent des solutions. Je crains qu’ils ne voient les assurances-marges et les marchés à terme comme une manière de donner la visibilité. L’inconvénient des assurances-marges est qu’elles déresponsabilisent les transformateurs. Et puis une compagnie d’assurance privée cherche toujours à faire des profits, ce qui est logique. Comment peut-on penser que cela va améliorer notre situation économique ? Un marché à terme donnerait des perspectives de prix… mais déconnecterait l’offre de la demande ! On arriverait rapidement à une situation insoutenable pour l’ensemble de la filière.
ICMSA siège à l’EMB, est-ce que cela veut dire que vous soutenez le programme de responsabilisation par le marché (PRM) qui propose, en cas de crise, de baisser la production dans les 28 pays européens ?
J. C. : Dès la parution du PRM, ICMSA s’est prononcé favorablement à son égard. Après, le caractère obligatoire nous a toujours gênés. C’est pour cela que nous aimerions le modifier pour en faire un programme volontaire. Que celui qui souhaite ralentir reçoive une aide nous paraît normal, tant que cela n’empêche pas celui qui veut s’agrandir de développer son exploitation.