À 64 ans, Patricia et James O’leary sont proches de la retraite. D’ici la fin de l’année, ils auront vendu leur soixantaine de laitières.
Comme de nombreux agriculteurs de leur génération, le couple O’leary continuera d’élever les génisses puis passera à l’allaitant après avoir vendu les vaches laitières. Pourtant, James dit qu’il « ne correspond pas au cliché de l’agriculteur irlandais, attaché viscéralement à sa terre ». Il a repris les terres à la mort d’un lointain parent et a monté son élevage de zéro, dans une zone du pays réputée céréalière.
Retraite publique très faible
Issue du monde agricole, Patricia aimerait voir son mari lâcher prise un peu plus rapidement. Les choses vont se faire progressivement. Ils commenceront par louer, profitant de la politique de défiscalisation des baux agricoles du gouvernement irlandais. Ensuite, « quand le moment viendra », ils vendront leurs 37 hectares d’herbe, sûrement à un bon prix. Actuellement, autour de chez eux, les terres s’échangent à 37 500 €/ha. La revente du foncier viendra gonfler la misérable retraite publique (230 €/mois) qu’ils sont censés toucher pour 41 ans d’activité.
[caption id= »attachment_27695″ align= »aligncenter » width= »680″] James O’leary, Éleveur[/caption]
Depuis l’installation de James en 1976, les époux O’leary ont vu les campagnes évoluer considérablement. Patricia regrette que la vie ait quitté le monde rural et que les gens ne se voient plus désormais qu’ « à l’occasion des mariages et des enterrements ». Il est fini le temps où ils étaient tout le temps dérangés par un voisin qui s’arrêtait dans la cour pour prendre des nouvelles. « On entend parler maintenant de problèmes de santé mentale ou de suicides, ce sont des indicateurs de l’appauvrissement des interactions entre voisins ».
Cherche jeune femme et belle ferme
James et Patricia O’leary voient dans l’agrandissement des structures d’exploitation laitières la poursuite de ce mouvement de dévitalisation. Eux n’ont pas augmenté la taille de leur cheptel. Au contraire, ils ont eu tendance à réduire le nombre de bêtes pour augmenter leur confort, maintenant qu’ils n’ont plus d’emprunts à rembourser et que leurs enfants ont fini les études. James en est certain : ses collègues ont augmenté leur production pour continuer d’être dans le coup, sans réfléchir sur les conséquences en termes de charge de travail. « Physiquement et psychologiquement, les éleveurs sont en moins bonne santé qu’avant », analyse Patricia.
La semaine précédente, le couple s’est rendu à un mariage d’un jeune couple des environs. La fête est allée bon train. Une de leurs filles – encore célibataire – était présente pour l’occasion. Des paysans se sont mis à chercher parmi eux lequel ferait le meilleur parti pour marier la jeune fille… et gagner la ferme ! La blague n’est pas allée très loin. La première concernée a rapidement fait comprendre qu’elle n’était pas intéressée. À défaut d’épouser la fille, les prétendants devront acheter la terre.