Face aux difficultés, certains s’interrogent sur la diversification. La semaine prochaine, la Chambre d’agriculture de Bretagne organise deux forums pour aider les producteurs à y voir plus clair.
En 2016, une centaine d’agriculteurs a contacté les Chambres d’agriculture de Bretagne avec comme préoccupation l’évolution de leurs productions ou de la commercialisation de leurs produits. « Les idées fusent à la recherche d’une meilleure rémunération », explique Didier Mahé, en charge du dossier circuits courts – agritourisme à la Chambre régionale de Bretagne. « J’ai une stabulation de libre, que puis-je en faire ? Devrais-je faire de la vente directe pour mieux valoriser mes bovins viande ? J’aimerais élever de la volaille au lait… On pense parfois avoir l’idée du siècle, mais il n’y a pas de recette miracle pour faire, d’un coup, énormément de revenu », poursuit le conseiller.
Attention à la charge de travail
La tendance des produits locaux, régionaux, originaux, bio tend à raccourcir la distance entre le producteur et l’acheteur. En témoignent les 30 % d’installations dites « atypiques » aujourd’hui en Bretagne : vente directe, maraîchage, plantes aromatiques, agritourisme… Des atypiques qui, à ce rythme-là, deviendront, bientôt assez typiques. « Aujourd’hui, les projets des gens qui s’installent en circuits courts se font sur des modèles qui intègrent commercialisation et transformation en plus de la production. Ou alors, c’est un jeune qui rejoint une structure existante en créant une activité de transformation à part entière », détaille Joëlle Péron, chargée de mission circuits courts et alimentation.
Si elle reconnaît que, dans ce modèle, les producteurs ne subissent pas les aléas des marchés puisqu’ils ont la main sur leur prix de vente, elle rappelle la difficulté de la charge de travail. « Circuits courts et vente directe ne sont pas une réponse à la crise car ils engendrent plusieurs métiers à la fois. On cumule alors énormément d’astreintes : traire, transformer, livrer, vendre… Il y a peu de souplesse. Des pics de travail, pour certains, à la période estivale où il faut multiplier les marchés dans une zone touristique. Sans oublier le poids de l’exigence sanitaire pour un laboratoire en viande, en produits laitiers… »
[caption id= »attachment_27448″ align= »alignright » width= »145″] Gilles Guillard, éleveur laitier à Gaël (35)[/caption]
J’ai planté des pommiers
L’arrêt des quotas m’a fait prendre du recul. Je produis plus de 400 000 L de lait sur 40 ha et je ne serai plus compétitif demain. J’ai entendu que des hectares de pommiers étaient recherchés. En 2014, j’ai passé l’année à me renseigner sur la faisabilité d’implanter des vergers chez moi, sur la recherche de débouchés, à visiter des ateliers… Finalement, j’arrête le lait pour me lancer en pomme bio qui est la tendance lourde aujourd’hui. Un projet à 300 000 € compliqué par le manque de trésorerie liée à la crise laitière. Mais j’ai le moral, changer de voie à 50 ans est passionnant. Première récolte en 2018…
Gilles Guillard, éleveur laitier à Gaël (35)
Assez de glaces à la ferme
Et puis, des portes se referment. « Il n’y a plus de place pour les glaces à la ferme. La viande en caissette n’est plus très tendance, le consommateur cherche des produits élaborés, faciles à préparer comme du steak haché, de la merguez… » Mais d’autres idées émergent. « Pasteuriser du lait pour approvisionner une crêperie, produire des farines, voire développer des arbres fruitiers en Bretagne… » Pour Didier Mahé, la diversification est souvent plus simple à imaginer en se tournant vers les filières qualité. « Plusieurs groupements cherchent actuellement des producteurs en Label Rouge en Bretagne. »
C’est le cas par exemple du veau Bretanin (voir cet article). Ou encore des Fermiers d’Argoat en volaille de chair, pondeuses ou lapins. «Il y a de la demande », confirme Stéphane Neauleau, responsable qualité certification aux Fermiers d’Argoat. « La volaille de chair fermière par exemple est une bonne activité complémentaire à la production laitière. Hors période de pointe à la mise en place des poussins, à l’enlèvement et au nettoyage – désinfection en fin de bande, ce n’est pas trop prenant en temps de travail. Compter une heure par jour, des passages réguliers pour surveiller. » L’éleveur est rémunéré en fonction de ce qu’il a produit : « Mieux il répond au cahier des charges, mieux il est payé. »
Ce type de filière longue est certainement moins compliqué à mettre en œuvre sur une exploitation en place. Le circuit court, c’est une autre histoire. « Nous produisions 1 500 porcs en conventionnel quand nous avons débuté la vente directe. Au départ, c’est énormément de travail et peu rémunérateur. Peu à peu, nous sommes arrivés à 370 places d’engraissement sur paille valorisant les 20 ha de céréales de la ferme. Nos cochons sont vendus 70 % sur la ferme, 20 % par une Amap en ligne (Voisins de panier), 10 % à un charcutier », raconte Jacques Meslay, éleveur à Lamballe (22).
« Quand le cochon est en crise, on vient nous voir. Aujourd’hui, on dégage un revenu correct et assez constant mais les semaines sont longues entre l’ouverture du magasin, la découpe et fabrication de toute une gamme. Et on ne fait jamais de « gros coup » comme quand le cadran de Plérin remonte… Par contre, les semaines qui commencent sans commande, on stresse. » Aux gens qui réfléchissent au circuit court, le Costarmoricain rappelle les fondamentaux. « Se démarquer du standard. Se trouver à un endroit facile d’accès et pas plus de deux ou trois ateliers de vente directe par commune. Bien dimensionner son projet pour ne pas être débordé. Et surtout, avant de s’installer, avoir trouvé ses débouchés… »