La filière porcine prépare un plan collectif pour anticiper les attaques contre l’élevage. Ce plan pourrait déboucher sur une charte, des formations et même sur un plan d’investissement en élevages.
Les vidéos montrant des mauvais traitements en abattoir ébranlent le monde de l’élevage. Celles, filmées dans des élevages du Finistère, font mal aux éleveurs car elle jette l’opprobre sur l’ensemble de la profession. D’autres caméras entreront dans des élevages et s’attarderont sur les aspects les moins reluisants : animaux malades, castrations, bacs d’équarrissage… La filière a décidé de réagir en construisant un plan élaboré pour promouvoir de bonnes pratiques. « Nous avons la chance d’avoir une filière très bien organisée. Nous pourrons rapidement mettre en place notre plan Porc respect confiance ».
Rachel Rivière, d’Inaporc, a dévoilé, lors de l’assemblée générale de l’interprofession la semaine dernière, les grandes lignes d’un projet qui a pour objectif de défendre les éleveurs contre les attaques en règle des associations qui militent pour l’amélioration des conditions d’élevage ou pour bannir la consommation de viande. « Chaque organisation de producteurs nommera un responsable bien-être animal. Il aura un rôle de sentinelle et détectera les points éventuels à améliorer. Il diffusera de l’information auprès des éleveurs ».
Est-il possible de vendre un tel plan aux consommateurs ?
Des indicateurs bien définis permettront à chaque éleveur de se comparer aux autres (grille d’évaluation). « Il s’agira d’une gestion bien-être, à l’image d’une GTE (gestion technico-économique) ». L’Ifip, l’Inra et des organismes étrangers sont chargés d’évaluer économiquement les mesures susceptibles d’apporter du bien-être aux animaux. Les truies libres en maternité, par exemple. « Dans le cas où ces mesures n’ont pas d’impacts négatifs au niveau économique, elles pourraient être vulgarisées ». Des formations permettraient aux éleveurs de s’informer des pratiques intéressantes. Un plan d’investissement pourrait même encourager les mises aux normes de bien-être.
Pour qui la facture ?
La question est toujours de savoir qui paie ? Est-il possible de vendre un tel programme aux consommateurs ? Un peu à l’image de ce qu’ont fait les Allemands avec leur programme Tierwolh (fonds de gestion pour l’amélioration du bien-être animal, financé par la distribution) ? « Il y a beaucoup de réponses techniques qui sont très difficiles à valoriser auprès du consommateur », répond Hugues Beyler, représentant de la grande distribution, qui rappelle que 30 % des clients choisissent en fonction du prix des produits.
« Ces nouvelles pratiques doivent être un socle, en aucun cas une segmentation de marché qui doit être faite sur d’autres critères ». Il conseille pourtant aux éleveurs de prendre rapidement des décisions en termes de bien-être pour répondre aux attentes sociétales sur la gestion de la douleur. Michel Bloc’h, président de l’Union des groupements, invite la distribution à venir travailler le sujet avec les autres maillons de la filière. « Nous sommes déjà autour de la table », lui répond Hugues Beyler. Ambiance…
[caption id= »attachment_28062″ align= »alignright » width= »148″] Serge Clamagirand, Directeur de l’abattoir de Rodez[/caption]
Bientôt des caméras dans les élevages ?
Nous avons beaucoup investi en abattoir sur la taille des cases en porcherie, sur la brumisation des animaux, leur abreuvement et sur le matériel d’anesthésie. Depuis deux ans, nous formons des responsables bien-être et 50 % du personnel à la compétence bien-être. Les caméras posent plusieurs problèmes. Qui visionne ? À quel coût ? N’y a-t-il pas infraction à une liberté fondamentale ? Jusqu’où va-t-on aller ? Mettra-t-on des caméras dans les familles ? Chez les nourrices ? Et dans les élevages ? Sans vouloir cacher la réalité, que ce soit dans les abattoirs ou dans les élevages, il y a des images qui peuvent choquer des consommateurs qui ont perdu tout lien avec la campagne et le monde animal depuis longtemps. Serge Clamagirand, Directeur de l'abattoir de Rodez
Réseaux sociaux
Dans l’immédiat, François Valy, de la Fédération nationale porcine, conseille aux éleveurs de s’investir sur les réseaux sociaux. Une manière, selon lui, de faire face aux attaques, sur le terrain favori des opposants à l’élevage. « Nous avons la crédibilité pour parler de notre métier. Il faut suivre des formations, dispensées par diverses organisations, pour pouvoir le faire ». Le défi est de taille. Certaines pratiques, appelées soins par les éleveurs et mutilations par les opposants, ont peu d’alternatives. La castration, par exemple.
« Ne pas castrer va dans le sens du bien-être mais présente un trop gros risque en termes de consommation (odeurs des viandes) », déplore un éleveur. Pour la coupe des queues, l’équation est encore plus difficile à résoudre : pas de solution technique à l’horizon… La partie n’est pas gagnée. Laissez le champ libre aux opposants ne ferait qu’accentuer la baisse de consommation de viande. La problématique touche toutes les filières de l’élevage. Elles devront travailler de concert…