S’appuyer sur une aide robotisée pour désherber plus précisément ses cultures, tel est l’enjeu de la recherche actuelle sur des solutions alternatives à la pulvérisation classique.
Dans les techniques de culture faisant appel à du sarclage ou du binage manuel, personne « ne garde un bon souvenir de cette tâche, c’est très fatigant », se souvient Michel Berducat, ingénieur à l’Irstea de Clermont-Ferrand (63). La révolution permise par la robotique remet au goût du jour le désherbage mécanique et bouleverse les pratiques actuelles basées majoritairement sur l’utilisation de produits chimiques. Les technologies actuelles en développement s’intéressent à la robotisation des tâches, pour gagner en efficacité et en autonomie. La question de ces interventions au service de l’opération de binage a été prise à bras le corps par les concepteurs de robots. Depuis, les procédés se sont améliorés, même si les robots de petite taille peinent à couvrir de grandes surfaces. « En effectuant une simple règle de 3, si un engin progresse entre 3 et 4 km/h sur une largeur de travail de 50 cm, il travaillera une superficie de 1,8 ha en 10 heures dans l’hypothèse d’une ligne droite infinie. Pour 50 ha, il faudra 11 jours, en œuvrant 24h/24, ce qui n’est pas concevable surtout quand il existe des bineuses intelligentes montées sur tracteur qui peuvent atteindre des rendements de chantier de 13 ha/h ». La question du tout robot se pose alors, ainsi que la problématique de la taille critique à adopter.
Ni trop gros, ni trop petit
Dans le domaine des grandes cultures, une hypothèse d’évolution de la mécanisation consiste à robotiser le tracteur de forte puissance comme présenté par CNH lors du dernier Sima. Cependant la charge importante à l’essieu peut provoquer des tassements de sols, suivant la granulométrie et la structure de la terre. Le bon compromis dans le futur a moyen–long terme plaide pour des engins de tailles moyennes, alliant légèreté et efficacité acceptable. « En associant 3 machines de tailles moyennes supervisées par un seul opérateur, le rendement de chantier est identique à un engin de grande taille. Notre travail consiste à trouver une alternative au toujours plus puissant, toujours plus gros, toujours plus lourd. Un autre challenge est celui de la maîtrise de l’évolution des robots sur des terrains en pente ». Les chercheurs travaillent pour apporter des solutions dans ces conditions de travail plus complexes.
Précision entre et dans le rang
Intervenir au plus près des cultures : ce challenge est en passe d’être réussi grâce à des bineuses intelligentes, comme en témoigne par exemple les machines de chez Garford. La dent de l’outil tourne autour du plant, éliminant ainsi les autres espèces végétales présentes au sein même du rang de culture. Une fois le semis d’une culture réalisé, tout ce qui poussera en marge de cette plante reconnue par vision sera éliminé ceci étant la base même du désherbage. Partant de ce constat, les actions de recherche se tournent vers plus de précision dans le passage des outils mécaniques pour supprimer les adventices. Les travaux portent également sur une distinction plus pointue des mauvaises herbes. « Les laboratoires travaillent sur la détection et la reconnaissance de ces adventices afin d’intervenir de façon plus nuancée.
Travailler toute la surface du sol demande beaucoup d’énergie, cette stratégie de ciblage est alors plus économique en puissance demandée ». Les survols de parcelles à l’aide de drones donnent de précieuses informations sur les zones plus concernées par l’envahissement des adventices. Pour reconnaître les végétaux à éliminer, des caméras sont capables de discriminer ces derniers suivant leur morphologie, leur texture ou encore leur hauteur. « Différents modes d’actions sont disponibles : thermique pour brûler ces indésirables ou encore en développement, des traitements laser ou électrique, afin de créer un électrochoc dans la plante pour retarder son développement ». L’application de solutions chimiques en localisé fait également partie du panel de solutions, bien que les prototypes agissent encore surtout au niveau de l’inter-rang.
Tout se joue au semis
Bien connu des producteurs de légumes de plein champ, la problématique d’une plantation précise peut faciliter ensuite le passage au plus près d’outils mécaniques. « La maîtrise de la position de la graine ou du plant peut ainsi faciliter l’opération d’entretien par binage. Par exemple les semoirs Geoseed Kverneland ont la possibilité de positionner la graine en mode parallèle ou en diamant (c’est-à-dire en quinconce), avec un espace régulier entre les plants. Ce qui rend possible un entretien mécanique au plus près des plants par des passages successifs croisés ». La plantation est une piste également à envisager dans le futur, certaines machines étant capable d’implanter une jeune pousse en 2 secondes.
Pour l’avenir, le chercheur préfère garder la tête sur les épaules, être réaliste. « Il ne faut pas créer de déception avec des technologies qui ne seraient pas totalement maîtrisées. Par ailleurs, si l’herbe envahit la culture, il ne faut pas considérer que la technologie pourra faire quelque chose. L’expertise agricole restera toujours essentielle ». L’agriculteur a donc encore de beaux jours devant lui, car il est indispensable aux suivis de ses parcelles, et l’équipement des exploitations ne se fera que si les nouvelles technologies sont capables de démontrer leur retour sur investissement.
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